Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LES EUROPÉENS (dir. H. Ahrweiler et M. Aymard) Fiche de lecture

Décidé et conçu au lendemain de l'événement – la chute du Mur de Berlin – qui a rendu pensable une réunification de l'Europe, Les Européens (Hermann, 2000) s'ouvre sur une question : « Est-il possible de discerner dans l'histoire plusieurs fois millénaire de l'Europe les traits et les faits qui ont conduit les uns à se désigner, et les autres à appeler les habitants du continent du nom d'Européens ? »Quarantehistoriens ont été conviés à y répondre et à participer à une entreprise – la première du genre – qui doit sa totale réussite à ses deux maîtres d'œuvre ainsi qu'à l'appui donné par l'UNESCO, l'Université de l'Europe et la Maison des sciences de l'homme. Ils l'ont fait par des articles de synthèse, généralement brefs, lestés d'une érudition dont les signes visibles – les notes en bas de page – sont heureusement discrets et les perspectives qu'elle ouvre amplement dégagées.

Ces analyses concernent la formation d'un sentiment d'appartenance, la naissance d'une conscience, la reconnaissance d'une identité en prise sur des comportements et des opinions délibérément endossées et professées. Elles se distribuent, selon une périodisation classique, de l'Antiquité à l'époque contemporaine qui est divisée en deux parties, xixe et xxe siècles. Elles portent sur tous les espaces constitutifs d'une Europe dont tous les aspects – mentaux, sociaux, démographiques, économiques et politiques – sont successivement examinés. De la Grèce, rappelle Jacqueline de Romilly, l'Europe tient les idées de liberté et de loi, les valeurs démocratiques, le refus de la violence, la notion de concorde. À l'empire de la raison, les Européens doivent aujourd'hui aussi rapporter, comme les y invite Claude Nicolet, l'héritage de Rome et singulièrement le droit romain. Du paganisme au christianisme se produit un « schisme de l'âme », une transformation des rapports de l'homme à Dieu dont Hélène Ahrweiler tire toutes les conséquences : Jérusalem se profilant à l'horizon d'Athènes et de Rome, l'humanité se confond alors avec l'œkoumène.

Sur des ensembles qui semblent communément préformés ou cadrés – l'Europe des Romains et l'Europe non romaine, les grandes migrations et les royaumes barbares, l'Église orthodoxe d'Orient, les hérésies en Occident, l'expansion européenne et les croisades –, Michel Kazanski, Vlassios Phidias, Luis Suárez Fernández et Jean Richard donnent de nouveaux éclairages. On voit, avec H. Ahrweiler, les forces montantes de l'Occident se jeter de tous côtés contre Byzance, l'Empire chrétien d'Orient ; l'Europe jusque-là partagée en deux zones opposées « s'identifia progressivement à sa partie occidentale et catholique » ; la moitié de son être est tombée dans l'oubli chez « ceux qui lui doivent pourtant une partie de leur âme : les Européens d'aujourd'hui ». N'est-ce pas, en effet, Byzance, « la mémoire de la Grèce », qui a joué, comme le montre Paul Lemerle, un rôle décisif dans la transmission du modèle grec ?

Les parcours tracés de la région à la nation, des empires – de Charlemagne, avec la « conscience européenne d'une dynastie » dont les visées politiques se sont cristallisées en deux lieux historiques, Saint-Denis et Aix-la-Chapelle, de Charles Quint et de Napoléon – aux États modernes, de l'autorité directe (d'un maître) au gouvernement abstrait (de la bureaucratie) sont ponctués de temps forts : par exemple 1492, avec un état des lieux « l'Europe et le monde » dressé par M. Aymard et, bien entendu, les deux guerres mondiales. Ces parcours au terme desquels émergent un nouvel ordre politique, économique, social et une nouvelle donne internationale[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de L'Année sociologique