Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

EYZIES-DE-TAYAC LES, archéologie

Crâne n<sup>o</sup> 1, abri de Cro-Magnon - crédits : musée de l'Homme/ SPL/ AKG-images

Crâne no 1, abri de Cro-Magnon

En 1868, des ouvriers découvrent une sépulture dans un abri-sous-roche aux Eyzies-de-Tayac, en Dordogne. Les squelettes très incomplets d’au moins quatre adultes et un enfant gisaient là, associés à plus de 300 coquillages (Littorina littorea) percés et à des pendeloques d'ivoire. Leur ancienneté est immédiatement acceptée à la suite des travaux de Louis Lartet. Paul Broca leur reconnaît une morphologie moderne. Armand de Quatrefages et Ernest-Théodore Hamy définissent en 1874 un nouveau type humain fossile, qualifié à l'époque de « race de Cro-Magnon ». Cette approche classificatoire de l’espèce humaine est désormais rejetée, et les hommes fossiles découverts dans l’abri de Cro-Magnon ne représentent qu’un exemple parmi d’autres de la variabilité des populations fossiles d’anatomie moderne (Homo sapiens). Dès 1907, ils seront attribués à l'Aurignacien (environ 35 000-30 000 B.P.), dont une longue séquence constituait le remplissage de l'abri. En 2002, cette conclusion a été infirmée par la datation d'une coquille de la parure avec la méthode du carbone 14 en spectrométrie de masse par accélérateur de particules. Le résultat, 27 680 ± 270 B.P., exclut définitivement une appartenance à l'Aurignacien ancien, daté de plus de 30 000 B.P. en Europe. En 2013, la confrontation des informations stratigraphiques et culturelles de l’abri de Cro-Magnon à celles de l’abri Pataud, situé à 300 mètres, assoit définitivement l’appartenance des fossiles de Cro-Magnon au Gravettien ancien (période postérieure à l’Aurignacien).

Dès 1868, le dépôt est interprété comme une sépulture associant plusieurs individus. On ignore la répartition précise des os et la chronologie des dépôts de corps, mais les données stratigraphiques, ostéologiques et taphonomiques récentes indiquent que les défunts n’ont pas été inhumés, mais déposés sous la voûte de l’abri, alors presque comblé. Ailleurs, en Europe à la même période, le geste le plus fréquent autour des défunts est l’inhumation. Trois autres exceptions sont connues au sud-ouest de la France : dans les grottes ornées de Cussac (Dordogne) et de Vilhonneur (Charente), et dans l’abri Pataud, respectivement datés du Gravettien moyen, ancien et récent, des corps avaient été en partie exposés en surface. Sans être strictement comparables, ces exemples témoignent avec Cro-Magnon de la diversité des comportements funéraires au cours du Gravettien.

La sépulture de l'abri de Cro-Magnon reste cependant l'un des plus anciens témoignages des comportements funéraires pour le Paléolithique supérieur d'Europe. Ce qui revient à souligner l'absence de documents fiables sur les pratiques funéraires des populations de l'Aurignacien ancien.

— Dominique HENRY-GAMBIER

Bibliographie

D. Henry-Gambier, « Pratiques funéraires et comportement des populations gravettiennes en Europe: bilan des données et interprétations », in Paléo, 20, 2008

D. Henry-Gambier, R. Nespoulet& L. Chiotti, « Attribution culturelle au Gravettien ancien des fossiles humains de l’abri Cro-Magnon (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France) », in Paléo, 24, 2013.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directrice de recherche au laboratoire d'anthropologie des populations du passé, CNRS, PACEA, UMR 5199, université Bordeaux-I

Classification

Média

Crâne n<sup>o</sup> 1, abri de Cro-Magnon - crédits : musée de l'Homme/ SPL/ AKG-images

Crâne no 1, abri de Cro-Magnon

Autres références

  • ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Aménagement des sites

    • Écrit par et
    • 5 946 mots
    • 3 médias
    À sa mort, le préhistorien Denis Peyrony (1869-1954) donna à l'État les collections qu'il avait réunies à partir des gisements préhistoriques classiques de la vallée de la Vézère, collections qui constituent le fonds du musée des Eyzies, installé dans le château du xvie siècle....
  • DÉCOUVERTE DE L'HOMME DE CRO-MAGNON

    • Écrit par
    • 222 mots

    C'est en 1868, lors de la construction de la voie ferrée de Périgueux à Agen, que furent découverts fortuitement, par Louis Lartet, au fond de l'abri-sous-roche de Cro-Magnon, près du village des Eyzies-de-Tayac (Dordogne), les restes de cinq squelettes humains dont la disposition...

  • LARTET ÉDOUARD (1801-1871)

    • Écrit par
    • 841 mots
    • 1 média
    ...humaine, puis entreprend des fouilles dans la vallée de la Vézère (Périgord), avec son ami et mécène britannique Henry Christy (1810-1865), notamment dans la région des Eyzies (sites de La Madeleine, Le Moustier…). L’exploration de ces cavernes lui donne l’occasion de suggérer l’existence d’un ...
  • PALÉOANTHROPOLOGIE ou PALÉONTOLOGIE HUMAINE

    • Écrit par
    • 4 906 mots
    • 4 médias
    ...découvertes, témoignant chacune de l'existence d'un nouveau type humain fossile, vont marquer cette seconde moitié du xixe siècle : celle, faite en 1868 aux Eyzies (France) de cinq squelettes de Cro-Magnon et, en 1891 et 1892, à Trinil, sur l’île de Java, celle des premiers vestiges osseux du fameux Pithécanthrope....