LES FOURBERIES DE SCAPIN, Molière Fiche de lecture
Comédie en trois actes créée en 1671 au théâtre du Palais-Royal à Paris, Les Fourberies de Scapin semblent reprendre à leur compte, avec virtuosité, les tours et les figures de la comédie latine, puis italienne. D'antiques problèmes, que Molière (1622-1673) adapte à la société moderne, y sont traités. Le vieillard (senex) est là pour interdire aux plus jeunes (adulescentes) l'accès aux femmes et à la dépense. Son univers frugal se referme sur un monde sans plaisir où il n'est question que de conserver un patrimoine. De son côté, l'adulescens pleure, s'affole, sans parvenir à s'imposer. Enfin, entre senex et adulescens, Scapin, le fourbe, concocte les ruses et propose les stratagèmes : « À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m'en veux mêler. J'ai sans doute reçu du Ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces gentillesses d'esprit, de ces galanteries ingénieuses, à qui le vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire, sans vanité, qu'on n'a guère vu d'homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d'intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier... » La pièce suppose ainsi, à la manière latine, une faille dans le système de préservation du vieillard, un retour à l'harmonie après le stratagème, et le romanesque de la reconnaissance finale.
Une histoire vieille comme le théâtre
Entre-temps, les scènes canoniques ont eu lieu : la scène du senex iratus (quand le père en colère apprend et constate la dépense) ; la scène de l'adulescens lacrimans (le jeune homme s'inquiète, devant le servus, de la colère paternelle) ; la scène du servus cogitans (le serviteur réfléchit au stratagème pendant que l'adulescens lacrimans le presse de trouver une solution) ; la scène du servus currens (le servus entre, ne voit rien, n'entend rien, et renverse tout sur son passage y compris le senex) ; le quiproquo ; enfin les scènes finales, avant le banquet harmonieux.
Comme il est commun au xviie siècle, Molière s'empare d'une pièce de référence, le Phormion de Térence (auteur qu'il révère), pour écrire sa pièce. Mais, au lieu de sept personnages principaux, il en introduit huit, pour la symétrie : deux vieillards (Argante et Géronte), deux couples d'amoureux (Octave et Hyacinte, Léandre et Zerbinette), deux valets enfin (l'un soumis, Silvestre, l'autre presque affranchi et capable de tout). Scapin ajoute à cette structure des jeux de scène italiens (les lazzi) et des fourberies bien françaises : le sac venu de Tabarin, les escroqueries multiples héritées de l'Antiquité et du Moyen Âge, sans compter le célèbre « Qu'allait-il faire dans cette galère ! » Classiquement, nous sommes donc passés de l'âge d'or d'avant la comédie à la crise domestique opposant les jeunes gens et les vieux, et de la crise à une nouvelle harmonie où le monde est enfin stabilisé pour qu'un nouvel âge d'or existe, une fois les jeunes filles reconnues pour ce qu'elles étaient vraiment : Zerbinette, comme la fille d'Argante, et Hyacinte, comme celle de Géronte. Le double mariage peut avoir lieu.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Média
Autres références
-
LES FOURBERIES DE SCAPIN (mise en scène J.-L. Benoit)
- Écrit par Christian BIET
- 1 351 mots
-
MOLIÈRE (1622-1673)
- Écrit par Claude BOURQUI
- 7 631 mots
- 7 médias
...capitale du royaume, se dessine de plus en plus nettement l’avènement du spectacle entièrement musical, équivalent français de l’opéra italien. À l’exception des Fourberies de Scapin (1671) et des Femmes savantes (1672), les efforts de Molière sont dorénavant consacrés à rechercher la formule qui permet d’intégrer...