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LES FRAISES SAUVAGES, film de Ingmar Bergman

À trente-neuf ans, Ingmar Bergman passe pour un véritable bourreau de travail, écrivant ou réalisant près de deux films par an. Sa première réalisation, Crise (Kris), en 1946, est un hommage, déjà très personnel, au réalisme poétique, mais le jeune homme dévoré d'ambition, au talent précoce, doit attendre son seizième film, Sourires d'une nuit d'été (Sommarnattens leende, 1955) pour que la critique voie en lui davantage qu'un bon représentant des tendances noires du cinéma européen d'après guerre. La récompense qu'il reçoit l'année suivante à Cannes pour ce film (le « prix de l'humour poétique »), puis le succès du Septième Sceau (Det Sjunde Inseglet, 1957) offrent au cinéaste une audience internationale. Les Fraises sauvages (Smultronstållet), qui reçoit l'ours d'or au festival de Berlin de 1958, achève les années de formation du cinéaste, devenu définitivement un maître, et dont la manière personnelle s'épanouira dans les années 1960.

Un voyage de réconciliation

Le film commence le jour où Isak Borg, professeur émérite qui vit seul avec sa vieille gouvernante, doit aller recevoir de l'université de Lund un diplôme honorifique. Au matin, il fait un cauchemar, où s'accumulent les signes angoissants, jusqu'à ce qu'il se voie lui-même dans le cercueil transporté par un corbillard qui passe. Troublé, il décide de ne pas prendre l'avion, et de faire le voyage en voiture, en compagnie de la femme de son fils, Marianne. Ce voyage sera l'occasion de discuter avec elle des difficiles relations que le vieux professeur entretient avec son fils, et d'évoquer des souvenirs d'enfance – dont les fraises des bois, qui donnent son titre au film. Cette évocation prendra surtout la forme de la rêverie hallucinatoire ; la voiture s'arrête près de la maison où il passait ses vacances d'enfant, et il revoit mentalement des scènes, joyeuses ou amères, entre autres de son amour malheureux pour sa cousine Sara. En route, les voyageurs accueillent trois jeunes auto-stoppeurs, dont une jeune fille prénommée aussi Sara, et qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la cousine du jeune Isak (c'est la même actrice) ; un moment, ils chemineront de conserve avec un couple qui vit une crise conjugale permanente, et offre à Isak un miroir de son mariage raté. À Lund, la cérémonie se déroule impeccablement, et Borg, attendri par ses rencontres et humanisé par ce voyage, réussit à convaincre son fils et sa belle-fille de se réconcilier. Il s'endort sur un dernier rêve d'enfance, dans lequel Sara l'emmène retrouver ses parents, que l'on voit, tranquillement assis au bord de l'eau, lui faire signe doucement de la main.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales

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