Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE (M. Rasoulof)

Article modifié le

Une famille sous influence

Le déchaînement des révoltes de l’automne 2022, les violences effrayantes de la répression vont venir déconstruire cet équilibre de façade. Le père a toujours été un fonctionnaire honnête et consciencieux. Mais la promotion qui lui apportera plus de confort, un grand appartement et la considération de ses proches devra se payer au prix de l’abandon de tous ses scrupules. D’abord tourmenté par ses renoncements, dans un dialogue subtilement mis en scène avec son épouse, et par le conflit qui s’installe avec ses filles, il devient un rouage discipliné de la machine totalitaire. Si le film est long, c’est que l’évolution des quatre protagonistes est lente, elle aussi. Mohammad Rasoulof prend le temps de disséquer les mouvements internes à cette famille, les changements d’état d’esprit de chacun de ses membres, en montrant aussi le dialogue étrange et inquiétant que mène le père avec l’un de ses collègues du tribunal. Il intègre au récit la disparition incompréhensible d’une arme à feu, symbole évident de la virilité dominante. Quant à la relation aux médias, elle est omniprésente. La mère regarde docilement la télévision du régime – même si, peu à peu, au fil du récite, elle ouvrira les yeux sur la réalité –, tandis que les filles s’informent en direct sur les réseaux sociaux.

La répression et les violences policières, les manifestations héroïques et la réponse de l’État sont présentes à l’écran avec des images filmées sur le vif, le téléphone portable s’avérant souvent le seul moyen de documenter le réel. L’aggravation des événements politiques vient donc croiser l’éclatement des conventions à l’intérieur de la famille. Les deux crises coïncident exactement et la conclusion, tout à fait inattendue, est en fait d’une rigueur absolue. Au cours de la dernière demi-heure des Graines du figuier sauvage, après s’en être tenu au réalisme psychologique et au document politique, Rasoulof décide de passer au film de genre – le film d’angoisse traditionnel – avec des images à la limite du fantastique. Le dénouement envisage métaphoriquement la défaite inéluctable de la théocratie : il fallait donc le tourner en abandonnant le réalisme pour affirmer une espérance.

— René MARX

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification