LES GRECS EN OCCIDENT (exposition)
Après Les Phéniciens en 1988 et Les Celtes en 1991, Les Grecs en Occident (du 23 mars au 8 décembre 1996) a constitué la troisième exposition archéologique du Palazzo Grassi – la fondation culturelle de Fiat à Venise. Le thème avait été choisi plusieurs années auparavant ; des aléas divers, humains et financiers, ont retardé l'achèvement du projet, rendu possible grâce à une collaboration originale, même pour l'Italie. Tout est parti d'un décret du ministre des Biens culturels, qui a fait de l'exposition une manifestation de l'État ; cela a probablement été utile pour qu'un certain nombre de surintendants consentent à se dessaisir de telle ou telle œuvre majeure. Le financement et la réalisation ont entièrement été supportés par la Fondation.
Ces moyens ont permis un rassemblement très ambitieux d'œuvres célèbres et de découvertes, spectaculaires ou non. Un assez grand nombre d'inédits étaient présentés comme tels dans le catalogue : une tombe peinte de Paestum, deux très riches tombes princières de Basilicate intérieure, l'une avec un bel ensemble de bijoux, d'or, d'argent et d'ambre, l'autre comportant en particulier les éléments d'une armure de cheval en tôle de bronze décorée. Mais la nouveauté la plus marquante, et la plus attendue, fut la tête de bronze du ve siècle, revenue en Italie après un long séjour dans un coffre de banque suisse, qui avait été volée par les découvreurs clandestins de l'épave de Porticello, au débouché du détroit de Messine. Cette tête barbue a rejoint à Venise celle qui était exposée, avec le reste du matériel de l'épave, à Reggio de Calabre. Son origine occidentale est loin d'être assurée, puisqu'on discute du trajet qu'avait suivi le navire ; mais nous avons au moins évité les deux bronzes de Riace, que certains voulaient voir à Venise : ce sont évidemment des chefs-d'œuvre, mais ils ont été faits en Grèce propre, même s'ils ont péri au large d'une plage de Calabre.
Pour beaucoup, un des « clous » de l'exposition fut un de ces rapprochements, qui sont fréquents dans les grandes expositions de peinture, de deux œuvres qu'on a toujours comparées sans jamais les avoir vues côte à côte. Il s'agissait de deux reliefs à trois faces, le trône Ludovisi, un des chefs-d'œuvre du musée des Thermes, à Rome, et son frère jumeau – trop jumeau –, le trône de Boston, son pendant, authentique ou non, apparu à Rome à la fin du xixe siècle ; la juxtaposition a permis beaucoup d'observations de détail, mais les opinions restent opposées.
Un parcours complexe, à travers les espaces inégaux des deux étages du Palais, reflétait le souci de donner, par ce qui était exposé, une idée des productions diverses d'un domaine très vaste, puisqu'il s'étend au moins des Pouilles à la Sicile, et cela pendant plus de dix siècles, depuis les contacts avec les Grecs au IIe millénaire jusqu'au moment où s'installe la domination romaine. L'ensemble était évidemment très varié, de la grande sculpture aux armes, en passant par les bijoux, la céramique et de très nombreuses terres cuites, puisque cette catégorie a beaucoup plus d'importance en Occident qu'en Grèce propre. C'était quelquefois un échantillonnage, et on pouvait s'étonner de telle ou telle absence ; mais le panorama était complet et juste. L'insistance sur certains thèmes – le théâtre, les représentations dionysiaques – reflétait une conception d'ensemble qui a sa cohérence. Le vrai problème, comme dans toutes les expositions plus ou moins encyclopédiques, est de savoir ce que le public en retient. Il n'est pas certain qu'il ait été aidé par ce qui aurait pu constituer un soutien pédagogique.
En effet,[...]
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Écrit par
- Claude ROLLEY : professeur émérite de l'université de Bourgogne
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