LES HAUTS DE HURLEVENT, Emily Brontë Fiche de lecture
Un roman noir
Comme Jane Eyre, de Charlotte Brontë, Les Hauts de Hurlevent porte l'empreinte des romans gothiques, tant dans la peinture des lieux que des personnages. Heathcliff, par ses origines mystérieuses et son physique sombre, ressemble aux héros d'Ann Radcliffe, de même que la demeure solitaire où se déroule le roman favorise la violence et le déchaînement des passions. Catherine et Heathcliff forment un couple amoral, uni dans une symbiose dont la meilleure expression est la déclaration passionnée de Catherine au chapitre ix : « Je suis Heathcliff ! Il est sans cesse, sans cesse présent dans mon esprit, non pas comme un plaisir (pas plus que je ne suis toujours un plaisir pour moi-même) mais comme mon être à moi. » Écho direct du Manfred (1817) de Byron, qui évoque aussi une passion semi-incestueuse. La passion qui les anime leur donne le statut de héros tragiques.
La tragédie naît de leur séparation : en choisissant « l'autre monde », en épousant Edgar, Catherine trahit son propre cœur. La vie de Heathcliff sans Catherine, dont la mort va le priver d'elle plus radicalement encore que son mariage, devient un enfer. Heathcliff se transforme en figure diabolique, digne du Satan de John Milton (Le Paradis perdu, 1667). En créateur pervers, il remodèle le monde, unissant artificiellement les destinées. Ce n'est qu'au seuil de la mort qu'il abandonne son entreprise de vengeance, regagnant ainsi son statut de héros tragique. La fin du roman se place sous le signe de l'apaisement, même si Lockwood, revenu sur les lieux pour clore l'histoire, laisse planer un doute dans l'esprit du lecteur : les fantômes de Catherine et de Heathcliff cesseront-ils jamais de hanter nos mémoires ?
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claire BAZIN : professeure des Universités Paris-X Nanterre
Classification
Média