LES IBÈRES (exposition)
Les Galeries nationales du Grand Palais ont accueilli, du 15 octobre 1997 au 5 janvier 1998, une exposition consacrée à l'une des civilisations les plus originales de l'Âge du fer européen, celle des Ibères. Fruit d'une collaboration internationale, cette exposition qui devait se déplacer ensuite à Barcelone (30 janvier-12 avril 1998) et à Bonn (15 mai-23 août 1998), était exceptionnelle à plus d'un titre. C'est la première fois depuis la découverte de la civilisation ibérique, il y a à peine plus d'un siècle, qu'autant d'œuvres étaient exposées ensemble ; la première fois aussi qu'en dehors d'Espagne on donnait au public l'occasion d'apprécier toutes les facettes de l'art ibérique, de la sculpture à la monnaie, en passant par l'orfèvrerie, les bronzes, les terres cuites et la céramique peinte. Le parcours de l'exposition privilégiait la sculpture en pierre : choix on ne peut plus justifié, car c'est dans ces représentations d'animaux fabuleux, de jeunes nobles et de dames hautaines que le génie ibérique s'exprime avec le plus de force contenue et de virtuosité plastique. Certes, quelques pièces majeures manquaient à l'appel, comme la Dame d'Elche, la Dame de Baza ou la Bicha de Balazote. Mais on ne pouvait pas, à l'évidence, laisser presque vide pendant un an la salle ibérique du Musée archéologique de Madrid. Trois cent cinquante pièces ont été prêtées par vingt-sept musées espagnols et onze institutions françaises : c'est déjà en soi un tour de force. Ce fut aussi l'occasion de voir réunis pour la première fois les fragments, dispersés entre le Louvre et le Musée archéologique de Madrid, du grand ensemble sculpté ibéro-romain d'Osuna.
Les sculptures absentes étaient d'ailleurs aussitôt oubliées à la vision des huit fragments de grande statuaire de Porcuna (Jaén), intelligemment placés en enfilade dans l'axe de la première galerie, et tous orientés vers l'entrée. Le coup d'œil était saisissant. D'autres surprises attendaient le visiteur, comme la puissance frémissante des deux grands lions couchés de la collection privée Várez Fisa, exposés pour la première fois en public, l'impérieux regard du loup de Huelma (Jaén), sorti de terre il y a quatre ans et encore inédit, ou le charmant cavalier de Los Villares (Albacete), lui aussi tout récemment exhumé. Rares sont les expositions qui, comme celle-ci, en apprennent presque autant au spécialiste qu'au simple curieux. Le catalogue, substantiel et très bien illustré, satisfera pleinement le visiteur que les cartels et les panneaux de l'exposition, souvent elliptiques, auraient laissé sur sa faim.
Cette exposition fut l'occasion pour le public français de découvrir une culture totalement méconnue de ce côté-ci des Pyrénées. Cette initiation ne pouvait d'ailleurs se faire à un meilleur moment, quand on sait que les recherches menées en Espagne depuis une vingtaine d'années – mais aussi plusieurs trouvailles fortuites – ont complètement renouvelé l'image de la culture ibérique. Cette remise en question radicale a commencé à la fin des années 1970 avec la découverte de l'ensemble sculpté de Porcuna, clou de l'exposition du Grand Palais. Il s'agit en fait des fragments de plusieurs groupes sculptés provenant d'un hérôon ou d'un sanctuaire dynastique datant du début du ve siècle avant J.-C. Les uns mettent en scène des épisodes mythologiques, les autres un combat sans merci opposant deux groupes de guerriers. Ce qui frappe dans ces figures qui exaltent sans doute les vertus surhumaines de l'ancêtre d'une famille régnante, c'est le tour de force par lequel l'artiste est parvenu à satisfaire deux exigences a priori inconciliables : d'une part, reproduire avec une minutie presque[...]
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Écrit par
- Pierre MORET : chargé de recherche au C.N.R.S.
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