LES INFLUENCES ANTIQUES DANS L'ART DU MOYEN ÂGE FRANÇAIS, Jean Adhémar Fiche de lecture
Publié à Londres en version française, dans le volume 7 de la collection d'études de l'Institut Warburg, en 1939, le livre de Jean Adhémar (1908-1987) n'eut pourtant presque pas de lecteurs en France. Quand il devint possible d'envisager sa diffusion, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il était épuisé. Pourtant, il compte parmi les grandes contributions du siècle passé à l'histoire de l'art médiéval. Jean Adhémar y consacra dix ans, de 1928, date de son entrée à l'École nationale des Chartes, jusqu'à 1938 et sa soutenance de thèse de doctorat, en Sorbonne, sous la direction d'Henri Focillon (1881-1943). Son travail s'inscrivait, au début, dans le projet esquissé par ce dernier de retrouver les traces, en France, des monuments fameux et admirés de l'ancienne Gaule. Mais Jean Adhémar s'écarta de cette première ligne d'étude et chercha à définir l'impact réel de l'« antique » sur la culture médiévale, sans se limiter au monde des clercs ou des élites aristocratiques. En cela, il choisit une approche très différente de celle de Jean Seznec, son exact contemporain, dans son livre paru aussi à Londres, en 1940, La Survivance des dieux antiques (rééd. Flammarion, Paris, 1980) et qui avait privilégié, pour sa part, l'étude des manuscrits et des foyers de culture à l'époque médiévale et au début de la Renaissance.
Le passé antique du Moyen Âge français
Le travail de Jean Adhémar reste marqué, en effet, par une tradition d'érudition et d'humanisme qui l'empêcha de dissocier la création artistique de son contexte culturel et historique, soit politique, social et religieux, soit philosophique et littéraire. Les origines intellectuelles de son travail sont plutôt à situer hors de la France de son temps, en Angleterre, et plus particulièrement à Londres dans le tout jeune Institut Warburg où il fut accueilli dès 1933 par son directeur Fritz Saxl (1890-1948). Celui-ci venait de publier, en collaboration avec Erwin Panofsky (1892-1968), son essai sur la mythologie classique dans l'art médiéval (paru dans les Metropolitan Museum Studies, 1933-4, 2). C'est aussi dans la mouvance du « Warburg » que Jean Adhémar rencontre ceux qui l'ont précédé, accompagné ou suivi dans son parcours de recherche : Hugo Buchtal, Gertrude Bing et Dorothy Miner. Sa compréhension du passé antique est donc globale et relève de l'interprétation des faits culturels.
Son livre se compose de trois parties : il commence par dresser la carte des centres d'études de la matière antique dans la France du Moyen Âge (Ire partie) ; puis, dépassant cet horizon intellectuel trop étroit, il choisit le détour, très original pour l'époque, de l'histoire nationale de la France en ses limites des années 1930, et il aborde le panorama de la connaissance des monuments antiques d'après les monuments eux-mêmes, tels qu'ils avaient été conservés dans les différentes régions (IIe partie) ; enfin, il étudie les sources et les thèmes des « influences antiques », depuis l'époque préromane jusqu'aux années 1400, en peinture, sculpture et mosaïque (IIIe partie). Trois arguments majeurs sont définis dans le cours de l'ouvrage.
Le passé antique du Moyen Âge français apparaît d'abord à Jean Adhémar comme le patrimoine de la nation. L'historien, le chartiste de formation, s'est situé d'emblée à mi-chemin entre l'élitisme des historiens des manuscrits (Paul Lehman, par exemple, dont les travaux paraissent dans la Bibliothèque Warburg en 1926 et 1927) et l'éclectisme d'un Raimond van Marle, dont le livre sur L'Iconographie de l'art profane au Moyen Âge et à la Renaissance (2 vol., La Haye, 1931-1932) avait été un jalon important pour la notion d'« art populaire » et national.[...]
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Écrit par
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
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