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LE NAIN LES

Peintres de paysans dans ce xviie siècle français tenu pour avoir méprisé la condition paysanne, « réalistes » au milieu d'un art que l'on regardait comme envahi par l'« académisme » et sa « rhétorique creuse », les frères Le Nain ont longtemps passé pour un des paradoxes de la peinture française. Après deux siècles d'oubli, une résurrection soudaine, due à un romancier érudit qui se voulait lui-même réaliste et provincial, Champfleury (1850), les replaça promptement au rang des grands maîtres. La lente réapparition de tableaux recherchés des amateurs, et où le commerce d'art trouva facilement son profit, l'énigme posée par ces trois frères si étroitement unis qu'on ne pouvait distinguer leur œuvre propre, tout contribuait à piquer l'attention. Pourtant l'érudition, depuis un siècle, a amassé autour d'eux moins de certitudes que de légendes : le « problème des frères Le Nain » est loin d'être résolu.

La carrière parisienne de trois provinciaux

Antoine, Louis et Mathieu Le Nain sont nés à Laon (ou dans ses environs), cadets d'une famille de cinq enfants. Ce ne sont pas des paysans : leur père, Isaac, est sergent royal, et la famille jouit d'une certaine aisance et même de quelque culture. Si les Le Nain restent proches de la terre, c'est comme possédant fermes, bois et vignes en bon pays picard. On ignore leur date de naissance : les chiffres partout répétés (1588 pour Antoine, 1593 pour Louis, 1607 pour Mathieu) n'ont, en fait, aucune base solide ; il est plus vraisemblable que les trois frères sont nés entre 1597 et 1607, et qu'Antoine n'avait pas une génération d'écart avec Mathieu.

On ignore pareillement ce « peintre étranger » de passage à Laon qui les instruisit durant une année et fut, peut-être, responsable de leur triple vocation. L'hypothèse d'un voyage de Louis à Rome, longtemps présentée comme une certitude, apparaît désormais très fragile. En 1629, on les retrouve tous trois à Paris, où le plus âgé, Antoine, pour épargner à lui-même et à ses frères les tracasseries de la corporation parisienne, de plus en plus hostile aux provinciaux, se fait recevoir maître peintre au faubourg Saint-Germain-des-Prés.

La réputation de l'atelier s'établit très vite : commande du Portrait des échevins de la ville de Paris (1632 ; perdu), nomination de Mathieu comme peintre ordinaire de la ville (1633), décoration de la chapelle de la Vierge au couvent des Petits-Augustins (quatre panneaux retrouvés sur six, dont la Nativité du Louvre ; vers 1632 ?). La condition de provinciaux maladroits et de génies méconnus qu'on prête encore souvent aux trois frères relève de la pure légende : ils jouissaient de fort belles relations, aussi bien à la cour que dans les milieux littéraires et religieux, et semblent s'être volontiers prêtés à une vie mondaine qui aidait à leur vogue. Des faveurs recherchées témoignent de la réussite : Mathieu est appelé à faire le portrait de la reine Anne d'Autriche (avant 1643 ; perdu) ; on ne leur commande pas moins de quatre tableaux pour les autels latéraux de Notre-Dame de Paris : une Nativité de la Vierge (remise en place à Notre-Dame), page solide et simple où ils n'ont pas de peine à s'égaler aux peintres de la grande tradition comme Claude Vignon ou Jacques Blanchard, un Saint Michel dédiant ses armes à la Vierge (Nevers, église Saint-Pierre), une Crucifixion (1646 ; perdue) et une Vierge au rosaire (perdue). Aux portraits et aux compositions religieuses s'ajoutent les toiles mythologiques, encore fort mal connues (Vénus dans la forge de Vulcain, 1641, musée des Beaux-Arts, Reims ; Bacchus et Ariane, musée des Beaux-Arts, Orléans).

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<it>La Forge</it>, les frères Le Nain - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

La Forge, les frères Le Nain

La Famille de la laitière, L. Le Nain - crédits :  Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

La Famille de la laitière, L. Le Nain

<em>Intérieur paysan</em>, L. Le Nain
 - crédits : Courtesy National Gallery of Art, Washington

Intérieur paysan, L. Le Nain

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