LES LUTTES DE CLASSES EN FRANCE, Karl Marx Fiche de lecture
Juste placé après l'exposé de sa théorie matérialiste de l'histoire et de ses analyses critiques de Feuerbach, Hegel et des socialistes utopiques (La Sainte famille, L'Idéologie allemande, Thèses sur Feuerbach, Misère de la philosophie), le présent ouvrage appartient à un ensemble plus vaste d'articles (« Le 23 juin », « La Révolution de juin », « Travail salarié et capital ») et d'œuvres devenues des classiques de cette période (Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Herr Vogt, La Guerre civile en France), pour relater, au moment même où Le Manifeste communiste sort en librairie, les événements et la flambée révolutionnaire que connaît la France entre 1848 et 1849. Souvent rapproché de Révolution et contre-révolution en Allemagne de F. Engels (1851-1852, 1896), l'opuscule intitulé Les Luttes de classes est en réalité constitué de quatre articles qui, écrits entre janvier et octobre 1850 pour La Nouvelle Gazette rhénane, revue politique et économique dirigée par Marx lui-même, furent ensuite réunis en un seul texte grâce aux soins d'Engels qui en donna une Introduction, elle-même parue, avec des passages censurés, dans le Vorwärts (1895) et Die neue Zeit (1894-1895). Résultat d'une activité militante qui contraignait Marx à voyager entre la Belgique, la France, l'Allemagne et l'Angleterre, l'ouvrage témoigne d'une expérience vécue au jour le jour que l'auteur rapporte à la fois comme journaliste, chroniqueur et historien des destinées de la IIe République jusqu'en mars 1850.
« Les révolutions sont les locomotives de l'histoire »
L'ouvrage s'ouvre sur la précieuse Introduction qu'Engels rédige en vue de clarifier l'intention de Marx et de retrouver l'unité profonde de ses quatre articles. Cette série marque en effet « le premier essai de Marx d'expliquer un fragment d'histoire contemporaine au moyen de son mode de conception matérialiste, et en partant des données économiques qu'implique la situation ».
Découpant cet épisode révolutionnaire en périodes successives (« De février à juin 1848 », « De juin 1848 au 13 juin 1849 », « Du 13 juin 1849 au 10 mars 1850 » et « L'abolition du suffrage universel en 1850 »), Les Luttes de classes relatent donc par le menu et de façon chronologique les différents faits politiques et sociaux responsables du climat extrêmement perturbé de cette époque, en les resituant dans leur contexte économique.
L'enthousiasme naïf du prolétariat, souscrivant en février à l'idéal de fraternité et d'union contre la royauté, et la promesse de sa suprématie politique liée au renversement de Louis-Philippe n'ont pas tenu devant son antagonisme de classe avec la bourgeoisie. Cette dernière déchire brutalement le voile social dont elle parait la révolution, pour afficher ouvertement, à travers les diverses manœuvres du gouvernement provisoire, sa volonté de domination, en séparant et opposant petite bourgeoisie et ouvriers, jusqu'à l'insurrection de ces derniers.
La victoire de la bourgeoisie sonne alors l'heure de la contre-révolution et de la réaction absolutiste et féodale qui, étouffant les velléités révolutionnaires par divers moyens (muselage de la presse libre, interdiction du droit d'association, pression de l'armée), conduit Louis Bonaparte à la présidence en décembre 1848. La chasse aux républicains dont se chargea son ministre Odilon Barrot, permit, lors des élections de mai 1849, le triomphe écrasant du parti de l'ordre. Celui-ci, après l'échec de la motion de méfiance lancée par Ledru-Rollin contre le gouvernement et la parodie de soulèvement populaire que furent, à l'initiative des républicains, les manifestations rapidement contrôlées du 13 juin, affermit sa suprématie que renforça la suppression du suffrage[...]
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Écrit par
- Éric LETONTURIER : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne
Classification
Média
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