LES MAIA, José-Maria Eça de Queirós Fiche de lecture

Une critique sociale

L'action romanesque complexe de ce roman conjugue à la fois la destinée tragique d'une famille et l'évocation d'une époque. Si trois générations sont évoquées, c'est surtout celle de Carlos, le protagoniste, qui domine le récit. Les multiples péripéties, la diversité des lieux où elles se déroulent, les rebondissements donnent beaucoup de vivacité et d'entrain à ce récit foisonnant, écrit d'une plume alerte, souvent caustique. À travers le destin des Maia, c'est la période de la Régénération qui apparaît en toile de fond : le Portugal de la fin du xix^e siècle s'efforce de retrouver sa grandeur et de reconstituer son empire colonial. La haute société de Lisbonne y est représentée avec autant de justesse que d'esprit critique. De la politique à la religion, du monde littéraire à celui de la finance, des modes de vie privés aux coutumes collectives, l'écrivain-diplomate s'intéresse à tout.

Des traits hérités du naturalisme ou du réalisme, illustrés surtout dans les romans précédents d'Eça de Queiros (Le Crime du Padre Amaro, 1875, Le Cousin Bazilio, 1878), sont encore présents dans les Maia. Ainsi de ceux qui suggèrent l'influence de l'hérédité, ou le déterminisme du milieu social. Mais le romancier a déjà pris ses distances avec ces doctrines positivistes au profit d'une vision plus poétique du monde qu'il suggère. La fiction, où se déploie l'imagination inventive du romancier, se mêle ainsi à la chronique des mœurs d'un ton toujours sarcastique. Si l'ensemble du tableau est d'une vérité saisissante, on n'en a pas moins reproché à Eça de Queiros de s'en tenir à la description critique de la société, aux dépens de l'analyse des causes de cette situation.

Le destin fatal du protagoniste est-il un écho du drame secret de son créateur, enfant bâtard, tardivement reconnu par son père ? « Quoi qu'il en soit de cette interprétation, écrit Paul Teyssier, Les Maia expriment toute la philosophie profonde d'Eça à cette époque. Pour ce disciple de Taine, le ciel est vide et la vie n'a pas de sens [...] Il voit avec lucidité les maux dont souffre son pays, mais n'essaye pas d'y porter remède. [...] Seul l'Art garde encore du prix à ses yeux. »

Témoignage d'une époque révolue et reflet d'une conscience lucide, ce roman est considéré comme un des chefs-d'œuvre de la littérature portugaise.