LES MALAVOGLIA, Giovanni Verga Fiche de lecture
Verga, chantre du vérisme
La présentation de l'action des Malavoglia ne saurait en montrer l'originalité, qui réside tout entière dans la forme du roman. Celui-ci s'inscrit en effet dans le mouvement du vérisme italien, caractérisé par l'observation objective de la réalité sociale, souvent celle des plus humbles, et qui se traduit par une écriture impersonnelle où « la main de l'artiste doit rester invisible ». La couleur locale est rendue par un italien sicilianisé, où les proverbes, les expressions populaires et les répétitions abondent. Le romancier observateur doit en effet restituer la réalité telle qu'elle aurait pu se dérouler, sans intervenir, de façon presque scientifique. Tel est le vérisme de Verga : montrer la réalité effective de son époque, se faire le témoin impassible des événements. Ainsi, c'est un narrateur anonyme populaire qui décrit les actions et les gestes de la communauté, notamment lors de l'évaluation de la maison : « La maison des Malavoglia avait toujours été une des premières du village. Mais à présent, avec la mort de Bastianazzo, 'Ntoni au régiment, Mena à marier, et toutes ces bouches à nourrir dans les jambes, elle faisait eau de toutes parts. Que pouvait valoir la maison, au bout du compte ? »
Or le narrateur se fait le porte-parole de ceux qui jugent selon le principe de l'intérêt économique et le droit du plus fort. Les sentiments authentiques et désintéressés des protagonistes apparaissent donc inadaptés à la logique ambiante, sans que jamais l'auteur prenne parti directement. C'est de ce décalage même entre les valeurs (honnêteté, honneur, solidarité) et leur inadaptation au réel que naît la démystification implicite du progrès.
Si la communauté archaïco-rurale s'oppose aux Malavoglia, le personnage de 'Ntoni s'oppose à son grand-père : le plus vieux accepte sa condition, tandis que le plus jeune la conteste. Mais tous deux sont écrasés, tout comme les passions des femmes sont sacrifiées. À travers ce témoignage implacable, Verga souhaite parler de ceux que l'histoire laisse de côté, ceux qui ne s'adaptent pas aux temps nouveaux et qui sont irrémédiablement rattrapés par le progrès. Il veut représenter, dans une vision pessimiste de son temps, l'anéantissement des valeurs de la famille, qui constituent selon lui le seul rempart contre l'hostilité du monde.
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Écrit par
- Pascaline NICOU : agrégée d'italien, chargée de cours à l'université de Paris-III
Classification
Média