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LES MONSTRES, film de Dino Risi

Les Monstres (I Mostri) se situe au cœur de la vogue des films à sketches. Pour l'Italie, l'année qui précédait sa sortie avait été celle du prestigieux Boccaccio '70, dirigé par De Sica, Fellini, Monicelli et Visconti, ou encore de L'Amore difficile, aux scénarios signés Calvino, Moravia et Scola. La France n'était pas en reste, avec les Sept Péchés capitaux (1961) et l'international L'Amour à vingt ans (1962), où se rencontraient Truffaut et Wajda... Les metteurs en scène modernes semblaient apprécier la formule. En 1963, Les Monstres arrivèrent sur les écrans en compagnie de Ro. Go. Pa. G, de Rossellini, Godard, Pasolini et Gregoretti. Le public populaire italien faisant un triomphe aux Monstres, l'année suivante vit la sortie de l'hilarant Se permetteteparliamo di donne (en France, Parlons femmes), invraisemblable show transformiste de Vittorio Gassman devant la caméra d'Ettore Scola... À la fin des années 1960, les derniers feux du genre brillèrent avec les films franco-italiens Le Plus Vieux Métier du monde (1967) et Histoires extraordinaires (1968)... Par la suite, la vogue éphémère de la comédie italienne dans la France des années 1970 permit la mise en chantier d'un sequel des Monstres, en 1977, Les Nouveaux Monstres, co-signé Risi, Monicelli et Scola. Le Français Jean-Michel Ribes participa à cette tentative de résurrection avec le méconnu Rien ne va plus (1979), tout aussi doux-amer... Mais la télévision finit par s'approprier complètement la formule.

Mosaïque italienne

Dix-neuf sketches font le portrait d'une société saisie par les démons du mensonge et du double jeu : les couples mariés se trompent (6 sketches), une émotion sincère cache en réalité quelque calcul intéressé (sketches 5, 6, 10), et les règles de la vie en collectivité semblent faites pour être bafouées (sketches 1 et 16). Les institutions, elles aussi, sont gagnées par la tricherie : le parlement (sketch 7), la justice (9), la police (11), le clergé (18), les prix littéraires (14) et le sport professionnel (19)... Le jeu de massacre atteint même, dans une sorte de furia sarcastique, le médium cinématographique. Au sketch 4, un fantasque alter ego de Fellini fait enlever des vieilles dames en pleine rue, pour les filmer tandis qu'on les précipite dans une piscine autour de laquelle de riches oisifs échappés de la Dolce Vita trompent leur ennui. Mais le maestro n'est jamais satisfait de la prise : « Repêchez la vioque, on en fait une autre ! ».

Le sketch 15 est encore plus grinçant : assistant à la projection d'un film de guerre ultra-violent, un couple placide commente le mur au pied duquel on fusille des innocents à tour de bras sous les yeux mêmes de leurs enfants : « Tu vois, le mur, chez nous, eh bien c'est comme ça que je le vois... »

Des passages plus légers, détachés de toute critique sociale, entrecoupent ces portraits au vitriol, tantôt pour un scopitone (le vidéo-clip de l'époque) à la gloire du bikini sur fond d'Abbronzatissima, le flamboyant tube d'Edoardo Vianello, tantôt pour le plaisir d'un numéro d'acteur – Gassman déguisé en femme, susurrant à son gigolo « C'est freudien, ton rapport à l'anacoluthe... », ou plus simplement Michèle Mercier, « bella, tanto bella », un an avant Angélique marquise des Anges... Étrangement, le film se ferme sur une scène mélancolique ; devenu débile à force de coups, un boxeur déchu regarde en battant des mains un cerf-volant au bord de la mer...

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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