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LES MYSTÈRES DE PARIS, Eugène Sue Fiche de lecture

Les Mystères de Paris fut un des plus incroyables succès littéraires que la France ait connus au xixe siècle. Du 19 juin 1842 au 15 octobre 1843, tout ce que le pays comptait de lecteurs attendit chaque jour la parution du Journal des Débats, pour y découvrir le dernier épisode du feuilleton d'Eugène Sue (1804-1857). Même, pour ne pas rester passivement suspendus aux aléas de l'intrigue, les lecteurs se mettaient à vouloir agir sur celle-ci, en proposant à l'auteur leurs propres scénarios. Naissait ainsi une des premières œuvres « interactives » de l'histoire des lettres.

La ville sauvage

Pourquoi un tel engouement ? Pour la première fois, un écrivain se donnait pour but d'explorer les bas-fonds de la capitale. À l'instar de Fenimore Cooper décrivant les Peaux-Rouges d'Amérique, Sue ouvrait grands les repaires où les barbares de Paris concertent le vol et le meurtre ; il rendait accessible leur langage mystérieux, « rempli d'images frustes, de métaphores dégouttantes de sang » : « J'ai été pris la main dans le sac et le couteau dans la gorge du pante. Je suis un cheval de retour, c'est toisé. » La société de Louis-Philippe découvrait ainsi, effrayée et fascinée, un monde parallèle qu'elle côtoyait mais ignorait : celui des « classes dangereuses ».

À initier les belles dames à l'argot des bagnes et aux mœurs des mauvais lieux, à procurer aux gens honnêtes les frissons de l'encanaillement, le risque était toutefois de porter atteinte à l'ordre moral. L'auteur s'en inquiète : « Nous nous sommes demandé si de pareils tableaux devaient être mis sous les yeux. » Mais il rassure son lecteur. Les Mystères de Paris est bien une œuvre édifiante, où les méchants sont châtiés et les pauvres, s'ils sont vertueux et résignés, se voient récompensés. De plus, de roman noir, il se transforme peu à peu en mélodrame et relègue les gueux au second plan.

Personnage principal, Rodolphe, grand-duc de Gerolstein, s'est fait justicier. Ayant jadis tiré l'épée contre son père qui s'opposait à son mariage avec l'intrigante Sarah Seyton, puis perdu l'enfant née de cette union illégitime, il veut racheter ses fautes en combattant le mal. Exilé à Paris, avec son aide de camp et son médecin, ayant appris l'argot et la boxe, il surveille incognito la capitale, prêt à secourir les innocents.

Il arrache ainsi à la rue Fleur-de-Marie, dite La Goualeuse, et la libère des griffes de la Chouette, ancienne marâtre de la jeune fille, et de son complice, le Maître d'école, terrible bandit qu'il châtie en le rendant aveugle. Il confie la pauvre orpheline à Madame Georges, douairière éprouvée par le destin, dont le fils a disparu. Pour le retrouver, il s'établit, déguisé en ouvrier, rue du Temple où il s'efforce de prévenir bien des malheurs. Son enquête le mène sur la piste du notaire Ferrand, en apparence un saint homme, en réalité un criminel cupide et sans pitié. Rodolphe entreprend de le ruiner, puis lui inflige une mort horrible. Entre-temps, il retrouve Sarah, puis sa fille qu'il croyait morte et qui n'est autre que Fleur-de-Marie. Devenue altesse royale, celle-ci reste tourmentée par sa déchéance passée : elle prend le voile et meurt.

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

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