LES ORIENTALES, Victor Hugo Fiche de lecture
Les Orientales de Victor Hugo (1802-1885) paraissent le 24 janvier 1829, à Paris, chez l'éditeur Gosselin. Dans sa préface, le jeune poète romantique affirme que « tout a droit de cité en poésie ».
Le recueil est publié la même année que le roman à thèse Le Dernier Jour d’un condamné, tandis que le drame Marion de Lorme,est censuré par Charles X. Ces quarante et un poèmes, datés, à l’exception de six d’entre eux, de l’année 1828, voient le jour après la sortie de Cromwell (1827) et de sa préface et juste avant la bataille d’Hernani (1830) qui marquent en France le début de la révolution romantique dont Victor Hugo deviendra le chef de file. Ils répondent à l’actualité tragique en Orient, marquée par la guerre d’indépendance grecque (1821-1829) contre la domination turque. Après les massacres de Chios en 1822 (« L’enfant », XVIII) perpétrés à la suite de l’insurrection de la population grecque, la France, le Royaume-Uni et la Russie détruisent la flotte égypto-turque le 20 octobre 1827 (bataille de « Navarin », V) et imposent la reconnaissance de l’indépendance grecque par l’Empire ottoman en 1830.
Une fascination ambivalente
Comme en écho au peintre Delacroix, le titre, au féminin pluriel, souligne la fascination du poète romantique et de son siècle pour l’Orient. Mais il en dévoile aussi le « noir chaos ».
Hugo n’a jamais vu l’Orient. Il a gardé quelques souvenirs de séjour dans les villes espagnoles où, enfant, il suivit son père militaire. Ses tableaux et récits colorés se nourrissent de vastes lectures : le Coran, Les Mille et Une Nuits, la Bible, les Chants populaires de la Grèce moderne de Fauriel, le Voyage pittoresque en Espagne de Taylor, Lord Byron, sans oublier Le Divan occidental-oriental de Goethe.
L’exotisme verbal, le pittoresque et la luxuriance rhétorique de la langue, l’amplitude des différents registres, la variété virtuose de la prosodie, la polyphonie des thèmes intimes, érotiques ou cruels, illustrent la liberté et la fantaisie revendiquées par Hugo dans sa préface. La langue est métissée de mots arabes ou espagnols. Jouant de l’anaphore, de l’hyperbole, du contraste, la rhétorique oratoire donne une tonalité dramatique aux tableaux et aux récits. Une audacieuse virtuosité prosodique rythme l’agencement et la versification des strophes (« Les djinns », XXVIII). Quant à la scansion classique des vers réguliers – l’alexandrin et l’octosyllabe –, elle est sans cesse brisée par la syncope imprévue d’un vers plus bref. Tout au long du recueil, les registres lyrique, épique ou élégiaque, tragique, didactique et politique s’entremêlent. Le poète alterne également les points de vue (occidental, oriental, passé, présent) et joue de l’opposition entre les motifs : la sensuelle sultane et le cimeterre sanglant, le peuple et le despote, l’hospitalité et la barbarie.
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
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