LES ORIGINES DU TOTALITARISME, Hannah Arendt Fiche de lecture

Les Origines du totalitarisme paraît pour la première fois en 1951 aux États-Unis. La biographie de Hannah Arendt (1906-1975) éclaire la genèse de cette œuvre devenue un classique de la pensée politique.

Quelques années après le début de son exil aux États-Unis, la philosophe entreprend la rédaction d’un ouvrage dans lequel elle établit la généalogie des régimes totalitaires dont elle a été le témoin aussi bien que la victime, en tant que Juive ayant fui l’Allemagne dès 1933. L’ouvrage est tardivement publié en français, en trois volumes – correspondant aux parties qui le composent : « L’antisémitisme » (1973), « L’impérialisme » (1982) et « Le totalitarisme » (1972) –, ce qui traduit la réception accidentée plutôt que linéaire de l’œuvre d’Arendt dans l’espace francophone. En 2002, l’ouvrage est enfin proposé au public francophone sous sa forme originelle.

Comprendre les « sombres temps »

C’est donc aux États-Unis – et en anglais plutôt qu’en allemand – qu’Arendt entame une œuvre de théorie politique et de philosophie monumentale dont Les Origines du totalitarisme est la matrice. Pour elle, l’émergence du totalitarisme, qui constitue l’événement central du xx^e siècle, marque une rupture dans l’histoire occidentale qui a pulvérisé nos catégories de pensée et nos critères de jugement. Arendt réserve l’appellation de totalitarisme à deux régimes : le nazisme, entre 1939 et 1945, et le stalinisme, entre 1930 et 1953.

Prenant ses distances par rapport à une conception courante selon laquelle le totalitarisme renverrait à une opération de politisation totale de la sphère sociale, Arendt l’appréhende comme une entreprise de destruction de la vie politique. Récusant l’approche causaliste en vigueur dans les sciences historiques, elle considère en outre les divers éléments qui ont « cristallisé » sous forme de totalitarisme, plutôt que ses origines au sens strict.