LES ORIGINES DU TOTALITARISME, Hannah Arendt Fiche de lecture
Terreur, idéologie et « loi du mouvement »
Si le totalitarisme est un régime absolument nouveau, distinct tant des régimes constitutionnels que des tyrannies et des dictatures à parti unique c’est, d’après Arendt, parce qu’il a pour essence la terreur et pour principe l’idéologie. Au moyen de la terreur, des masses d’individus atomisés sont enserrées dans un « cercle de fer » qui les empêche d’établir entre eux des relations politiques et les dépouille de toute existence d’ordre privé ou intime. Au moyen de l’idéologie – définie comme la « logique d’une idée » à laquelle est attribué un pouvoir explicatif prodigieux quant au sens de l’histoire –, chaque être humain est préparé à jouer indifféremment le rôle de victime ou de bourreau. Alors que le nihilisme se fonde sur la conviction que « tout est permis », l’axiome de la domination totalitaire est « tout est possible », rien ne devant faire obstacle au libre déploiement des lois de la Nature, dans la variante hitlérienne, ou de l’Histoire, dans la variante stalinienne. Plutôt qu’à un gouvernement, le totalitarisme renvoie ainsi à un mouvement qui, dans sa progression, ne cesse de buter sur des obstacles, qualifiés d’« ennemis objectifs ». Il repose sur la double conviction du caractère superflu de la vie individuelle et de la malléabilité de la nature humaine, ce qui conduit Arendt à voir dans le camp de concentration et d’extermination, où la spontanéité humaine est purement et simplement annihilée, son « institution centrale ».
Si cette conception du totalitarisme a été critiquée, certains lui reprochant de renvoyer dos à dos nazisme et communisme ou d’être fondée sur des interprétations historiques discutables, elle demeure, à l’instar de la pensée d’Arendt, un repère important pour comprendre le passé et se confronter au présent.
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Écrit par
- Vincent LEFEBVE : docteur en sciences juridiques, chercheur au Centre de recherche et d'information socio-politiques, Bruxelles, collaborateur scientifique au Centre de droit public et social de l'université libre de Bruxelles (Belgique)
Classification
Média
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