LES PARAVENTS (mise en scène d'A. Nauzyciel)
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La pièceLes Paravents,de Jean Genet – écrite en 1956, publiée en 1961 –, est créée en 1966 par Roger Blin à l’Odéon, où elle provoque le scandale à cause de la prégnance de la guerre d’Algérie dans la société, et même si l’écriture de l’œuvreluiest antérieure. En 1983, Patrice Chéreau montera à son tour cette épopée théâtrale, qui devrait compter près d’une centaine de personnages, au Théâtre des Amandiers de Nanterre.
Une fête du théâtre
Arthur Nauzyciel, directeur du Théâtre national de Bretagne, à Rennes, met en scène à son tour LesParavents, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en 2024, en choisissant de renouveler et d’épurer l’esthétique foisonnante de l’œuvre de Genet. Pour lui, la pièce est destinée à être « une fête du théâtre, une célébration de la langue et des corps, une invitation au changement, à la lutte et au soulèvement existentiel, mais à la rêverie aussi ».
Subversive, elle rudoie les Européens comme les Arabes, emportés dans la même hypocrisie, la même duplicité politique. Pour Genet, en effet, « Les Paravents sont une méditation sur la guerre d’Algérie », mais celle-ci n’inspire l’œuvre que latéralement, s’articulant en tableaux successifs qui montrent des milieux sociaux hétérogènes ne se fréquentant pas, si ce n’est au bordel et à la guerre. D’où la position centrale des prostituées Malika et Warda (Océane Kaïraty et Farida Rahouadj), qui confient aux soldats savoir bien connaître cette violence du désir dans la guerre et dans l’amour. Aux scènes de la vie militaire succèdent celles des colonisateurs, planteurs de roses, d’oliviers et de chênes-lièges, celles enfin, oniriques, des vivants qui rejoignent la foule indifférenciée des morts tenant conseil, car, au-delà des paravents dont la société s’arrange aisément, trône dans les hauteurs le sanctuaire des défunts.
Un verbe lyrique, nourri d’images crues et d’insolence assumée, dévoilant les faux-semblants et le mépris porte cette pièce hors norme où Roger Blin voyait « une tragédie avec le langage du burlesque », et « une véritable déclaration d’antiréalisme pour une vérité d’un autre ordre ». Les parures chatoyantes soulignent la confusion de l’être et du paraître, les femmes portent des couleurs vives et lamées de dorure, alors que combattants arabes et légionnaires s’affrontent avec l’arme de la rhétorique. Les habits virils de domination sont endossés par les interprètes aux origines multiples qui incarnent indifféremment Arabes, Européens, Africains – foule bigarrée, plurielle que l’on voit monter et descendre un immense escalier, dos au public, en une succession obsédante d’allers et retours répétés.
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Écrit par
- Véronique HOTTE : critique de théâtre
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