PARLER LES
Le milieu du xive siècle marque dans l'évolution de l'art gothique, en Allemagne, une étape stylistique qui correspond sur le plan social à l'accession de la bourgeoisie qui prend alors le pas sur le clergé et la noblesse. Une famille d'architectes et de sculpteurs, les Parler, va définir avec une extraordinaire acuité ce mouvement. Le premier est Heinrich, vraisemblablement originaire de Cologne. Il construit, à Schwäbisch Gmünd, l'église de la Sainte-Croix en 1351. En 1353, l'empereur Charles IV appelle son fils Peter (1330-1399) à Prague. Il y fonde la Bauhütte dont l'influence va se répandre à l'Ouest. Son œuvre la plus importante est l'achèvement du chœur de la cathédrale pragoise Saint-Guy, qu'il modifie profondément. Alors que, dans la partie inférieure, son prédécesseur, Mathieu d'Arras, avait adopté des divisions verticales, Peter Parler dispose des registres horizontaux, ce qui engendre une rupture brutale. Le triforium est traité en galerie couverte ; au-dessus se déploient librement les fenêtres, scandées par un réseau très particulier de meneaux. La voûte n'a pas moins d'importance puisqu'elle va inspirer toutes les voûtes réticulées qui vont suivre et qui sont en fait des voûtes en berceau décorées. Peter Parler dirige en même temps, entre 1365 et 1385, un programme cohérent de sculpture destiné aux différentes parties du chœur, les six tombeaux des ancêtres de Charles IV et, le long des murs du triforium, les bustes de vingt-quatre personnages liés à l'histoire de la cathédrale : l'empereur, ses épouses, les dignitaires de l'Église, les directeurs du chantier et les architectes. La rupture avec le passé n'est pas moins nette. On y note la volonté d'individualiser les traits des personnages et même de les portraiturer. Dans la sacristie, Heinrich IV, un autre membre de la famille Parler, a sculpté la statue équestre de saint Wenceslas. Peter eut deux fils, Wenzell et Johann, qui furent aussi sculpteurs.
Les Parler ont marqué toute l'architecture de l'Europe centrale, ils furent surtout les introducteurs du « beau style » qui définit l'art de la Bohême à cette époque, style auquel appartiennent les « belles Madones » et les Pietà qui apparaissent un peu avant 1400 en Bohême et en Autriche, où elles eurent une grande vogue.
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Écrit par
- Alain ERLANDE-BRANDENBURG : conservateur général honoraire du Patrimoine
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