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LES PLAGES D'AGNÈS (A. Varda)

Agnès Varda - crédits : Micheline Pelletier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Agnès Varda

Au côté de l'univers de la fiction – Cléo de 5 à 7 (1962), Le Bonheur (1964), Sans toit ni loi(1985) –, le documentaire occupe une place importante dans l'œuvre d'Agnès Varda (une trentaine de films), qu'il s'agisse de documentaires au sens strict du terme – Ô saisons ô châteaux (1957) sur les châteaux de la Loire, Mur murs (1980) sur les « murals » de Los Angeles – ou de « fiction documentaire » sur les exilés grecs (Nausicaa, 1970). Vingt ans après avoir brossé d'une façon originale le portrait de Jane Birkin dans Jane B par Agnès V (1988), huit ans après quelques apparitions dans Les Glaneurs et la glaneuse (2000), la cinéaste se révèle à nous dans un « auto-documentaire », Les Plages d'Agnès (2008).

« Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m'ouvrait, on trouverait des plages. » À l'ouverture de la première séquence, en prononçant ces mots, Agnès Varda s'avance vers nous sur une plage tout d'abord déserte où elle fait disposer des miroirs, « outils » même, selon elle, de l'autoportrait. Ces miroirs reflètent ses traits, mais aussi la mer du Nord et des visages de jeunes gens et de jeunes filles venus d'une école de cinéma de Louvain. C'est le film lui-même cependant qui nous fait découvrir sa personnalité. Agnès Varda avoue (Positif, décembre 2008) que sa principale source d'inspiration fut la préface des Essais de Montaigne où l'écrivain dit avoir voué son livre « à la commodité particulière de mes parents et amis », de telle sorte qu'une fois disparu « ils y puissent retrouver certaines de mes conditions et humeurs ». Pour ses quatre-vingt ans, plus de cinquante ans après La Pointe courte (1954), elle réalise Les Plages d'Agnès dans le double dessein de lutter contre des trous de mémoire et de mieux se faire connaître de sa famille (que l'on verra réunie autour d'elle, tout de blanc vêtue, au dernier plan du film) comme de ses amis, et de leur laisser après sa mort quelques traces d'elle-même.

À partir du présent, la dynamique d'un récit a-chronologique suit le dessin d'une plongée dans le passé, comme le suggèrent ces trois plans où l'on voit Agnès Varda, sur une plage, puis dans Paris, s'éloigner de la caméra et des spectateurs en reculant lentement. Au cours de cette plongée dans un passé, construite sous forme de puzzle, elle se met elle-même en scène au moyen d'une « cinécriture » qui allie voix off, photographies et images de films.

Agnès Varda aime la peinture. Les plans de son visage dans un miroir ou de son amie américaine assise sur un canapé sont composés comme des tableaux. Au fil du récit, elle cadre des toiles de peintres qu'elle aime : Philippe de Champaigne, Cézanne, Picasso. Elle n'hésite pas à mettre en scène, sur un registre érotique, Les Amants de Magritte. Tel un peintre multipliant les autoportraits, elle fait apparaître à l'écran, aux différents âges de sa vie, son visage, son corps, sa silhouette, ses robes. Mais elle estime que sa personnalité est davantage encore révélée par l'ensemble de son œuvre : l'art de la photographie et le cinéma. Dans ce parcours de vie, la photographie est donc particulièrement mise en relief. Photos d'écrivains et d'artistes qu'elle admirait : Bachelard, Jean Vilar, Chris Marker, Gérard Philipe. Photos pour Jean Vilar au festival d'Avignon. Photos réalisées à l'occasion de ses reportages sur la Chine, en 1957, ou sur la révolution cubaine en 1962. Aux séquences tournées au présent, s'unissent également des extraits empruntés à ses œuvres (La Pointe courte, Cléo de cinq à sept, etc.) ou à celles de Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg, Une chambre en ville), qui donnent au film la forme d'un collage.

La clef[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma

Classification

Média

Agnès Varda - crédits : Micheline Pelletier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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