LES PLANCHES COURBES, Yves Bonnefoy Fiche de lecture
« Rien que le son dont les mots veulent naître… »
Les Planches courbes se composent de 71 poèmes, répartis en sept sections de longueur inégale dont les figures obsédantes viennent rassembler les thèmes de l’œuvre entière d’Yves Bonnefoy. La première section « La pluie d’été », la plus longue, en quatrains et vers brefs, alterne les « pierres » qui donnaient forme au recueil Pierre écrite(1965)et « les chemins » de « l’été » l’« hier, inachevable » ; elle fait resurgir les souvenirs de l’enfance, la présence simple dans l’évidence d’un monde que la litanie des anaphores (« Que ce monde demeure ! ») convoque. La section suivante « La voix lointaine », composée de onze poèmes en quatrains, réveille l’appel sourd d’une « marâtre, sans mémoire ni visage » et finalement d‘une « Parque » qui chagrine la « petite vie dansante » de l’enfant « ébloui ». Ce « leurre du seuil » ou de la plénitude ruinée par le sentiment d’exil se retrouve dans la relation ambivalente du poète au langage (« Dans le leurre des mots », troisième section) autant que dans les souvenirs de « La maison natale » (quatrième section) où douze longs poèmes narratifs tâtonnent entre un père mutique, une mère en larmes et, à nouveau, l’évocation d’une Cérès rédemptrice. Après la prose de la cinquième section (« Les planches courbes »), le diptyque de « L’encore aveugle » s’interroge en cinq longs poèmes sur « le rêve de Dieu » et son « or sans visage ». Enfin, les trois dernières proses de la septième section « Jeter des pierres » refondent un « avant du monde » et referment le recueil sur le « rire » d’un enfant.
De l’arrière-pays à l’avant-monde, Les Planches courbes remettent en perspective les voix intérieures d’Yves Bonnefoy, en privilégiant la symbolique de quelques vocables (l’été, la nuit, la barque, l’étoffe rouge, la grappe, la maison, l’enfant, etc.) ainsi que des figures mythiques gréco-latines (le passeur, Armide, Cérès, Ulysse, etc.). L’écriture concise, épurée, privilégie le vers libre mesuré, la rigueur du quatrain, le récit en prose poétique, en jouant sur l’ellipse, la métonymie, l’allégorie. Accordant toute sa place à l’allitération, à l’assonance, au substantif sans déterminant, le poète de l’anticoncept aspire à retrouver la plénitude du chant. Les Planches courbes redessinent ainsi l'inflexion d'une voix née du rêve surréaliste, tendue vers une clarté classique et obstinément porteuse d'un espoir en une autre présence au monde.
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
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