LES PRÉCIEUSES RIDICULES, Molière Fiche de lecture
Un titre prétexte
Qu’est-ce donc que les « précieuses » ? On a cru longtemps à l’existence d’un véritable mouvement précieux au xviie siècle, composé de femmes identifiables auxquelles Molière se serait directement attaqué. Des études ont montré depuis qu’il s’agissait en réalité d’un stéréotype misogyne créé par les contemporains de Molière. Le terme naît en réaction à l’évolution importante que connaît le statut des femmes au cours de la seconde moitié du xviie siècle, notamment par un accès renouvelé à la culture et par la conquête d’une certaine autonomie matrimoniale et sexuelle. Plusieurs d’entre elles, comme Madeleine de Scudéry, Françoise Pascal ou Marie-Catherine Desjardins, accèdent ainsi au statut d’auteures et de dramaturges. Desjardins lance même sa carrière avec un sonnet intitulé « Jouissance », qui raconte un orgasme. Aucune ne se revendique toutefois « précieuse », puisqu’il s’agit d’un qualificatif dévalorisant, sinon d’une insulte. Attesté pour la première fois en 1653, l’attribut inspire notamment un roman, La Prétieuse ou Les Mystères de la ruelle (composé de quatre parties publiées de 1656 à 1658), ainsi qu’une « Carte du royaume des Précieuses » (1657).
Pour Molière, l’emploi du terme « précieuses » constitue cependant un prétexte : le dramaturge visait moins à traiter de cette question de société qu’à attiser la curiosité du public. Sous le titre de Précieuses ridicules, il adapte en réalité deux ouvrages antérieurs. D’une part, dans Les Visionnaires (1637) de Desmarets de Saint-Sorlin (1595-1676), une comédie que sa troupe avait interprétée à plusieurs reprises, il reprend l’idée de femmes qui confondent littérature et réalité. D’autre part, il emprunte la plupart de ses références à l’actualité aux Lois de la galanterie de Charles Sorel, un opuscule comique mis à jour en 1658 qui satirise les modes comportementales et vestimentaires parisiennes.
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Écrit par
- Christophe SCHUWEY : maître de conférences, université Bretagne sud, Lorient
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