LES PRIMITIFS FLAMANDS. LES PLUS BEAUX DIPTYQUES (exposition)
La première justification des expositions temporaires, dans les musées, est la réunion d'œuvres que l'histoire a séparées, alors qu'elles expriment une origine ou une thématique commune. En ce sens, l'exposition de diptyques flamands des xve et xvie siècles, à la charnière du Moyen Âge et de la Renaissance dans l'Europe du Nord, qui s'est tenue à la National Gallery of Art de Washington et au Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, a été une réussite, tant pour le profond renouvellement de nos connaissances, que par la reconstitution même, matérielle et esthétique, d'œuvres majeures dont l'identité et la spécificité étaient perdues.
Le diptyque est une œuvre faite de deux panneaux réunis par des charnières, donc tout à fait jointifs, ce qui permet, lorsque l'artiste le choisit, une continuité de composition sur les deux parties de l'œuvre. Il ne doit pas être confondu avec les pendants – par exemple les deux portraits d'un homme et de son épouse –, conçus pour être présentés à quelque distance l'un de l'autre. Le diptyque fonctionne plus comme un polyptyque, mais il ne doit pas non plus être associé aux retables, faits pour être déposés sur l'autel d'une église. La majorité des diptyques flamands de la fin du Moyen Âge incluent souvent un ou plusieurs portraits, mais ils se situent dans le domaine de la dévotion ; une de leurs formules principales reste l'association du portrait d'un homme en prière face à la Vierge à l'Enfant visible sur le second panneau.
De ces particularités découlent à la fois l'extrême intérêt de ces œuvres pour l'histoire sociale, culturelle et religieuse – car cette dévotion des individus est souvent plus révélatrice des mentalités que les grands retables « officiels » offerts par les collectivités –, mais aussi leur histoire mouvementée. Les recherches préparatoires à cette exposition ont permis de remettre en cause la validité de certains diptyques, comme d'en faire renaître d'autres, disparus de nos mémoires. De faux diptyques ont en effet été créés, le plus souvent par erreur, par les marchands, les collectionneurs ou les musées, en assemblant de façon erronée deux portraits de même dimension, ou en rapprochant deux panneaux qui étaient à l'origine les deux volets d'un triptyque, dont la partie centrale est méconnue ou disparue. À l'inverse, des reconstitutions de diptyques démembrés ont permis la réintégration d'œuvres majeures dans ce chapitre de la création artistique.
De cette formule centrale, pour les diptyques flamands, associant, vus à mi-corps, la Vierge à l'Enfant, en général à gauche (du point de vue du spectateur) au portrait du donateur en adoration, tourné vers elle, les mains jointes, du côté droit, Rogier Van der Weyden est sans doute le créateur, au milieu du xve siècle, dans des compositions dont la force réside dans la sobriété. Peint par Memling en 1487, le Diptyque de Maarten van Nieuwenhove exprime une réflexion sur les questions de la vision spirituelle, et du rapport entre prière et présence divine. L'œuvre représente à la fois Maarten priant devant une image de la Vierge, une Andachtsbild, ou image de dévotion, et, en regard, la Vierge qui a fait irruption, en présence réelle, dans l'espace du donateur, dans son cadre de vie le plus intime. De tels diptyques continuent à être renouvelés, enrichis, de Michel Sittow, représentant sans doute Diego de Guevara (1515-1518), dans une retenue d'une profondeur rare, à Jan Gossaert, chez qui la Vierge à l'Enfant reprend le Van Eyck de Berlin, et à Jan van Scorel, dont le paysage se déploie sur les deux panneaux.
D'autres principes peuvent aussi régir ces diptyques. L'exposition met en évidence l'importance de ceux dont les deux panneaux s'ancrent directement[...]
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Écrit par
- Christian HECK : professeur émérite d’histoire de l’art à l’université de Lille
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