LES PROVINCIALES, Blaise Pascal Fiche de lecture
Les Provinciales, ou Lettres escrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis et aux RR. PP. Jésuites sur le sujet de la morale et de la politique de ces Pères, sont un ensemble de dix-huit lettres anonymes vendues clandestinement à Paris, puis publiées sous le pseudonyme de Louis de Montalte de janvier 1656 à mai 1657.
Violemment attaqués par les jésuites et par la majorité des évêques de France, indirectement pris à partie par le pouvoir royal, condamnés par le tribunal ecclésiastique de la Sorbonne, les Messieurs de Port-Royal se doivent de riposter : ils ont les principes théologiques, les arguments théoriques, mais ils n'ont pas la plume. C'est pourquoi ils en appellent à leur brillant élève. Polémiste, philosophe, savant, Blaise Pascal (1623-1662) va donc défendre la cause des jansénistes et plus particulièrement celle d'Antoine Arnauld et de Pierre Nicole, ses maîtres qui ont collaboré étroitement au projet. Proche depuis les années 1646 de Port-Royal – avec une certaine distance scientifique et idéologique, au moins jusqu'en 1654, puisqu'il fréquentait assidûment les savants, les mondains et les libertins du temps –, le jeune et génial mathématicien a « rencontré » Dieu une nuit de novembre 1654, et fait retraite, en janvier 1655, à Port-Royal-des-Champs sous la direction spirituelle de Lemaistre de Sacy.
Une œuvre de circonstance
Ni tout à fait à l'intérieur de Port-Royal, ni totalement pris dans le monde, mais en connaissant les jeux comme les détours, Pascal est l'homme idéal pour produire les meilleures attaques contre les ennemis des jansénistes. Il connaît la condamnation, par la bulle Cum occasione de 1653, des cinq propositions tirées de l'Augustinus de Jansen. Il a lu de fort près les écrits d'Antoine Arnauld. Après la condamnation de celui-ci par la Sorbonne, le 14 janvier 1656, il répond, presque immédiatement, le 23 janvier, au coup de force par la première de ses lettres, Lettre escrite à un provincial par un de ses amis sur le sujet des disputes présentes de la Sorbonne. La diffusion est particulièrement soignée, et le succès immédiat. Jusqu'au 23 mai 1657, date de rédaction de la dernière lettre, les arguments s'enchaînent de manière à exposer clairement la position janséniste et à discréditer les croyances tortueuses de leurs opposants.
Si le but politique de ces lettres ne fut en aucun cas atteint, puisque l'assemblée du clergé condamna une nouvelle fois l'Augustinus le 17 mars 1657, son impact moral fut énorme, au point qu'on associa systématiquement et durablement l'image des jésuites à la description qu'en donnait Pascal : hypocrites, pratiquant une casuistique de l'intérêt particulier, paradoxaux, malhonnêtes en matière de morale et de religion, trop proches des affaires du monde, toujours capables d'excuser les pires forfaits lorsqu'il en va de leur intérêt.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Média
Autres références
-
LITTÉRATURE ÉPISTOLAIRE, notion de
- Écrit par Alain BRUNN
- 1 058 mots
L'expression littérature épistolaire désigne tout texte qui relève de la situation pragmatique de la correspondance et peut être lu hors de cette situation ; elle paraît ainsi contradictoire : les régimes de vérité de la littérature et de la lettre semblent mal s'accorder. Le premier se trouve...
-
FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.
- Écrit par Patrick DANDREY
- 7 270 mots
- 3 médias
...brillants de ces écrivains malgré eux, aux talents divers et singuliers, comme Saint-Cyran, Arnauld ou Nicole, n’atteignent pas au génie universel de Pascal, incisif et fulminant dans la polémique (Les Provinciales), visionnaire et fulgurant dans l’apologétique (les Pensées). Que Pascal ait choisi... -
LITTÉRATURE ÉPISTOLAIRE
- Écrit par Alain VIALA
- 6 810 mots
- 1 média
L'usage de la lettre dans le débat d'idées atteint son apogée avec les Provinciales. On suit ici très nettement le passage d'un registre à l'autre, puisque les Lettres à un duc et pair d'Antoine Arnauld, qui étaient au centre du débat religieux dans lequel Pascal intervient,... -
MES PROVINCIALES (J.-P. Civeyrac)
- Écrit par René PRÉDAL
- 1 104 mots
- 1 média
ibid). Les Provinciales de Pascal préconisent le refus d’un accommodement avec la réalité et le maintien des actes en cohérence avec ses pensées. Mathias condamne William, non à cause de sa prédilection pour Mario Bava et Dario Argento, les maîtres du giallo, mais parce qu’il veut faire du...