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QĀDJĀR LES (1794-1925)

C'est avec cette dernière grande dynastie turkmène que l'Iran entre dans le monde moderne et dans le jeu des intérêts stratégiques et économiques des grandes puissances. Ayant pénétré très tôt en Perse (probablement dès l'époque mongole), comme d'autres tribus turkmènes, les Qādjār s'étaient établis en Asie Mineure. Ils firent partie du groupe des Qizilbash qui portèrent les Séfévides au pouvoir. Après avoir servi la cause séfévide, dès la chute de la dynastie ils luttèrent contre les Afghans et les Afshār. Parmi les clans qādjār établis à Astarābād (moderne Gorgān), il y eut d'âpres rivalités pour le pouvoir. C'est Āqā Mohammad Khān, le « cruel eunuque » fondateur de la dynastie, qui mit un terme aux divisions de l'Iran post-séfévide : après avoir conquis le nord du pays, il renversa les Zand de Chiraz et rétablit pour un temps la suzeraineté persane sur la Géorgie. En 1786, il fit de Téhéran — alors simple bourgade à la croisée des axes nord-sud et est-ouest de l'Iran — sa capitale. Après sa sanglante invasion de la Géorgie (1795), il se fit proclamer shāh à Téhéran puis réimposa le contrôle persan sur le Khorāsān tenu nominalement par Shāh Rokh, le petit-fils aveugle de Nāder Shāh. Il fut assassiné alors qu'il entreprenait une nouvelle campagne contre la Géorgie (juin 1797).

Sous le règne de son neveu Fath ‘Ali Shāh (1797-1834), l'Iran entra malgré lui dans le jeu des conflits d'intérêts entre les grandes puissances. À la rivalité diplomatique franco-anglaise succéda la rivalité anglo-russe lorsque Napoléon eut abandonné ses projets orientaux. Malgré les courageuses réformes introduites par le prince héritier ‘Abbās Mirzā (sur son initiative l'armée fut de plus en plus équipée et entraînée à l'européenne), l'Iran dut céder aux Russes ses anciennes possessions du Caucase et signer les humiliants traités de Golestān (1813) et de Torkmantchaï (1828).

Vaincus à l'ouest, les Qādjār tenteront vainement de réaffirmer la souveraineté persane sur Hérat. Commencée sous Fath ‘Ali Shāh, la reconquête de cette ancienne province séfévide amène Anglais et Persans au bord du conflit en 1838-1839 et à la guerre effective en 1856-1857 ; dans les deux cas, c'est le débarquement anglais dans le Golfe qui fait lâcher prise aux Persans. Après la mort prématurée du prince héritier ‘Abbās Mirzā (1833) et celle de Fath ‘Ali Shāh (1834), c'est l'appui des puissants « protecteurs » de l'Iran (surtout celui des Anglais) qui permet l'accession au trône de Mohammad Shāh (1834-1848). Celui-ci laissa pratiquement le gouvernement à son grand vizir Hādji Mirzā Āqāsi, son ancien précepteur, un mollā intrigant, mesquin et corrompu, que l'on disait « pro-russe ». Outre la reprise de la lutte pour Hérat, sous son règne se produisirent le soulèvement du chef de l'ismaélisme nizāri, l'Āqā Khān Mahallāti, qui dut s'enfuir en Inde, et le début du bābisme.

Nāseroddin Shāh (1848-1896) commença bien son règne en laissant son vizir Mirzā Taqi Khān Amir Nezām (surnommé Amir Kabir) élaborer des réformes visant à développer divers secteurs de l'administration, de l'armée, de l'enseignement et de l'économie et à réduire la corruption. Des intrigues courtisanes amenèrent bientôt la destitution (1851) puis l'assassinat (1852) de cet homme intègre et capable. Un des principaux artisans de son élimination, Mirzā Āqā Khān Nuri, lui succéda. Sous son vizirat (1851-1858) se déroula la phase la plus dure de la répression du bābisme ainsi que le renouvellement de l'affaire de Hérat (voir supra). Puis la constitution du premier cabinet ministériel persan (1858-1871) entraîna la prolifération des fonctions administratives et un développement[...]

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Écrit par

  • : chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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