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ROTHSCHILD LES

Deux donateurs exceptionnels

Si le mécénat culturel est l'apanage de toute la famille Rothschild, deux des fils de James ont joué à cet égard un rôle exceptionnel : Alphonse (1827-1905), qui eut un rôle non négligeable dans la création des musées français, et Edmond (1845-1934), qui légua au Louvre sa collection de dessins et de gravures en 1936, l'un des legs les plus marquants de l'histoire du musée au xxe siècle. La seconde moitié du xixe siècle voit le passage de la collection de généraliste à celle de spécialiste. Amateurs et collectionneurs se limitent progressivement à un domaine, à une technique ou à une période. Le legs d'Alphonse de Rothschild aux musées de province ou celui d'Edmond de Rothschild au musée du Louvre doivent être compris dans ce sens.

Alphonse fut le type parfait de l'amateur. Financier averti, il rassembla, dans son hôtel de la rue Saint-Florentin, une importante collection de peinture française du xviiie siècle et d'œuvres de l'école du Nord du xviie siècle (Rubens, Rembrandt, Frans Hals, Pieter de Hooch...). En 1905, le tableau de Reynolds Master Hare sera donné au Louvre en son nom. Mais son rôle auprès des artistes contemporains fut également déterminant. Chaque année, soit au Salon, soit dans les expositions particulières ou dans les ateliers, Alphonse achetait des gravures, des peintures et des sculptures d'artistes contemporains. Il en faisait don par la suite aux musées de provinces ou aux établissements d'intérêt public, constituant bien souvent ainsi le premier fonds de leurs collections. En moins de vingt ans furent offertes à plus de cent cinquante musées deux mille œuvres d'artistes contemporains, parmi lesquelles des sculptures importantes de Rodin, Camille Claudel, Emmanuel Frémiet. Quant à Edmond de Rothschild, dernier fils de James, son nom fut toujours associé au musée du Louvre : en 1873, à l'occasion du don fait avec son frère Gustave de sculptures provenant des fouilles entreprises par Olivier Rayet à Milet et à Didymes, grâce à leur générosité et leur appui ; en 1895, il offrait au même musée cent dix pièces d'argenterie gréco-romaine trouvées à Boscoreale, près de Pompéi. Mais le nom d'Edmond de Rothschild évoque surtout ce qui reste sa création majeure : son cabinet d'Estampes – 40 000 gravures et 6 000 dessins furent offerts au cabinet des Estampes et des Dessins en 1936, dont ils constituent le noyau principal, cabinet qu'il constitua dès sa jeunesse (la mort de son père, en 1868, l'avait déjà mis à la tête d'un petit lot de gravures rassemblées par celui-ci, premier noyau de sa collection) et qu'il ne cessa d'enrichir jusqu'à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. Réunion des pièces les plus parfaites au point de vue du tirage et de la conservation, cette collection peut être considérée comme un véritable musée de la gravure. Edmond de Rothschild sut s'entourer de spécialistes réputés comme Danlos, qui fut souvent son prête-nom dans de nombreuses ventes, et du docteur Roth, collectionneur d'estampes, dont il fut l'ami et qui lui céda une partie de sa collection. Ici, l'activité du collectionneur se double d'une démarche d'historien d'art. Sa propre collection fut constituée principalement des maîtres de l'école allemande des xve et xvie siècles (Martin Schongauer, Israël Van Meckenem et surtout Rembrandt), de l'ensemble de l'œuvre gravé de Dürer, de quatre cents gravures de Robert Nanteuil, qui forment une intéressante collection de portraits, d'œuvres de Marc-Antoine Raimondi.

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, maître de conférence à l'université Blaise Pascal-Clermont-Ferrand

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Média

<it>Portrait d'une noble génoise</it>, A. Van Dyck - crédits :  Bridgeman Images

Portrait d'une noble génoise, A. Van Dyck

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