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ROTHSCHILD LES

Les modalités du mécénat en Grande-Bretagne et en France

Depuis 1957, Waddesdon Manor appartient au National Trust. Le statut de cet organisme d'utilité publique, fondé en 1895, s'apparente à celui d'une fondation privée et gère la moitié du patrimoine britannique : il est même devenu le plus grand propriétaire foncier du Royaume-Uni. Le National Trust a pour mission de conserver dans leur intégrité des sites et des monuments qu'il a acquis par héritage ou par différentes donations, ce qui lui permet en échange d'échapper aux droits de succession. Le National Trust concilie les intérêts de l'État et ceux des particuliers, en s'efforçant de maintenir un lien avec les anciens propriétaires afin de préserver l'esprit d'une demeure. Cette initiative a permis de conserver en place des collections privées d'intérêt national, comme celles de Waddesdon, tout en respectant l'expression du goût, l'art de vivre des générations successives qui ont habité le château. À Waddesdon, ou encore à Ascott, on trouve les différentes préoccupations auxquelles est confronté le National Trust : il s'agit en effet non seulement d'entretenir un château et ses collections, mais aussi les différents éléments d'un grand domaine, le parc, les fermes, les cottages.

Un système financier original régit l'ensemble de l'institution : une dotation financière que doit effectuer tout propriétaire quand il lègue son château et les cotisations que versent tous les adhérents du National Trust. Ce mode de fonctionnement donne à chaque Anglais le sentiment d'être concerné par le bon entretien du patrimoine national.

En France, le système de la dation, mis en place en 1968, permet d'acquitter les droits de donation et de succession au moyen d'œuvres d'art. Les musées français ont pu ainsi s'enrichir d'un certain nombre d'œuvres majeures : par exemple, en 1983, en paiement des droits de succession de la baronne Édouard de Rothschild, le Louvre a reçu L'Astronome de Vermeer, seule œuvre de l'artiste à être encore en France dans une collection privée. Il s'agit donc là de l'une des acquisitions les plus importantes faite ces dernières années par les musées français. En 1990, la dation d'Edmond de Rothschild fit entrer au Louvre plusieurs meubles du xviiie siècle, dont la célèbre commode exécutée par Carlin pour Mme du Barry, qui est ornée de plaques de porcelaine de Sèvres représentant des œuvres de Lancret, Pater et Van Loo, deux sièges ayant appartenu à la reine Marie-Antoinette, l'un provenant de Trianon, l'autre du cabinet de toilette de la reine au château de Saint-Cloud, trois tableaux importants du xviiie siècle : Le Grand Déjeuner de chasse de Jean-François De Troy et deux œuvres de Nicolas Lancret, Le Repas au retour de la chasse et Les Plaisirs du bain. Enfin, une série de vases de Sèvres à décor chinois qui avaient appartenu à Mme de Pompadour. Une salle Edmond de Rothschild regroupe l'ensemble de ces objets dans le Grand Louvre.

Dans le domaine de l'art contemporain, le mécénat des Rothschild est également actif : en 1979, le Musée national d'art moderne Georges-Pompidou s'est enrichi grâce à eux de plusieurs œuvres. Citons en particulier un dessin de Kupka (1904-1906), un assemblage de César (1960) et une table-tronc de François Stahly (1960). En 1986-1988, ils ont commandé à l'architecte catalan Ricardo Bofill le chai de Lafitte en Gironde, construction circulaire à demi enterrée qui témoigne de leur intérêt pour l'architecture contemporaine. Ainsi reste vivace une tradition de mécénat qui ne s'est jamais démentie depuis plus de deux siècles.

— Pauline PREVOST-MARCILHACY

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, maître de conférence à l'université Blaise Pascal-Clermont-Ferrand

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Média

<it>Portrait d'une noble génoise</it>, A. Van Dyck - crédits :  Bridgeman Images

Portrait d'une noble génoise, A. Van Dyck

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