VENISE LES SCUOLE DE
Institutions typiquement vénitiennes, les scuole sont des confréries d'entraide et de bienfaisance, parmi lesquelles on distinguait les scuole grandi, les plus importantes, les plus actives et les plus riches. Elles apparaissent dès le xiiie siècle : la plus ancienne, Sainte-Marie-de-la-Charité, a été fondée en 1260, celle de Saint-Jean-l'Évangéliste l'année suivante. La République encourageait le développement de ces associations qui lui permettaient, indirectement, d'exercer un certain contrôle sur les activités des diverses catégories de population qu'elles réunissaient, leurs membres se regroupant selon leur profession ou leur pays d'origine. Les étrangers éprouvaient en effet plus que les autres le besoin de se retrouver entre eux pour résoudre les difficultés de leur vie d'immigrés. Ainsi, les tanneurs, les cordonniers, les marchands avaient leurs scuole, de même que les Albanais, les Dalmates...
Les Dalmates, très nombreux à Venise (beaucoup étaient marins), furent les seuls à obtenir de Napoléon le privilège de conserver leurs biens, alors que toutes les autres scuole étaient supprimées en 1806. Aujourd'hui encore la scuola di San Georgio degli Schiavoni (des Esclavons ou Dalmates) continue à jouer son rôle de bienfaisance et a conservé les précieuses toiles de Carpaccio qui la décorent depuis 1502.
L'importance des scuole ne tient pas seulement à leur rôle social, mais à la place qu'elles ont occupée dans l'activité artistique de Venise. Au cours des siècles, en effet, elles se sont constamment adressées aux architectes et aux peintres les plus en vue pour construire, agrandir, décorer les édifices (comportant généralement un hospice, un oratoire et une salle de réunion), où avaient lieu leurs réunions. Beaucoup d'entre eux ont été transformés, détruits ou défigurés. La plupart des ensembles peints ont été dispersés ou déplacés : on peut néanmoins constater, actuellement encore, à travers ce qui subsiste sur place ou dans les musées, notamment à l'Académie, que l'histoire des scuole vénitiennes, petites et grandes, reflète l'histoire des arts à Venise.
L'Académie, au reste, n'est pas seulement le refuge qui, par la volonté de Napoléon, a recueilli les peintures les plus célèbres des scuole supprimées, comme celles de Sainte-Ursule ou de Saint-Marc, mais aussi elle les abrite à l'endroit même où fut fondée la première de ces institutions, Sainte-Marie-de-la-Charité : La Vierge en trône de Giovanni d'Alemagna et Antonio Vivarini (1446), La Présentation de la Vierge au Temple de Titien, peinte pour elle, y sont donc bien à leur place. Entre l'église ogivale et l'entrée du musée, la porte de l'ancienne scuola est toujours surmontée d'un groupe sculpté représentant les membres de la confrérie en prière (1377). Ceux de Saint-Jean-l'Évangéliste apparaissent également dans une lunette, sculptée en 1349, sur la façade médiévale du bâtiment, par ailleurs remanié, qui depuis 1261 était le siège de la confrérie. À la fin du xve siècle et au début du xvie, Pietro Lombardi et Mauro Coducci lui ont donné son aspect actuel. Le décor de la chapelle, réalisé au xviiie siècle, remplace le cycle fameux des Miracles de la Croix que Gentile Bellini, Vittore Carpaccio, Giovanni Mansieti et Lazzaro Bastianini avaient peints dans les dernières années du xve siècle (transféré à l'Académie).
Avec Carpaccio, ce sont les décors les plus célèbres, les plus attachants des scuole qu'il faudrait évoquer ici : la Légende de sainte Ursule (1490-1502), les cycles de la scuola des Albanais (1500-1504) ou de la scuola de Saint-Étienne (1511-1520), l'un et l'autre dispersés, celui de Saint-Georges-des-Esclavons surtout, dont les histoires de saint Jérôme et de saint Georges (1502-1507) sont demeurées[...]
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Écrit par
- Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE : critique d'art
Classification
Médias
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