LES SERMENTS INDISCRETS (mise en scène C. Rauck)
Les Serments indiscrets est une comédie de Marivaux restée trop longtemps mal aimée. Écrite en 1731 pour la troupe de la Comédie-Française, elle ne fut créée par cette dernière qu'une année plus tard. Boudée par le public, décriée par la critique, la pièce disparaît bientôt de l'affiche. Hormis une brève reprise par Talma le 30 août 1792, elle devra attendre le 17 avril 1956 pour retrouver le plateau de la Comédie-Française. Mais encore était-ce toujours sous le signe d'un « marivaudage » sans conséquences, dont la valeur première serait d'illustrer le « bel esprit français », répondant à la définition qu'en donne Sainte-Beuve au xixe siècle : « badinage à froid, espièglerie compassée, pétillement redoublé et prétentieux, sorte de pédantisme sémillant et joli... ».
Depuis lors, nombreux sont les metteurs en scène qui ont montré que le raffinement du langage n'interdit en rien l'ouverture au dérèglement des passions. Dans cette entreprise, l'une des plus belles réussites est la mise en scène des Serments indiscrets qu'a proposée, à l'automne de 2012, Christophe Rauck, directeur du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, Centre dramatique national dont il a pris la tête en 2008, après avoir été directeur du Théâtre du Peuple de Bussang, de 2003 à 2006.
Réinventer le théâtre populaire
Formé aux Arts décoratifs de Nice, passé par le Théâtre du Soleil et Ariane Mnouchkine (il jouait dans Les Atrides en 1990, puis dans La Ville parjure en 1994), cet enfant de Nice, où il est né en 1963, s'est fait remarquer dès sa première mise en scène avec la Compagnie Terrain vague : Le Cercle de craie caucasien de Brecht, en 1996.
Une quinzaine de créations ont suivi, le menant de Shakespeare (Comme il vous plaira et La Nuit des rois) à Rémi de Vos (Cassé), en passant par Lioubomir Simovitch (Le Théâtre ambulant Chopalovitch), Cami (Le Rire des asticots), Labiche (L'Affaire de la rue de Lourcine), Gogol (Le Revizor), Martin Crimp (Getting Attention), Beaumarchais (Le Mariage de Figaro à la Comédie-Française), Ostrovski (Cœur ardent), avec retour à Brecht (La Vie de Galilée ; Têtes rondes et têtes pointues).
D'un spectacle à l'autre, c'est le même fil qu'il déroule : celui d'un théâtre populaire en relation directe avec le public, fondé sur le compagnonnage avec des acteurs rompus au travail physique et au masque, qui laisse entendre le texte tout autant qu'il fait parler les corps.
Il était deux enfants, Lucile et Damis, qui ne voulaient pas s'aimer d'amour tendre. Leurs pères respectifs s'étaient mis en tête de les marier. Eux avaient résolu de demeurer dans le célibat. Ils s'en firent chacun la promesse. Leurs valets servirent de témoins. Las, trop « indiscrets » (« intempestifs », « inconsidérés » précise Le Robert), ces serments se révélèrent vains. Inexorablement, un violent sentiment les rapprochait. Mais comment, après un tel engagement, se l'avouer ? Comment laisser libre cours à la passion naissante sans se renier pour autant ?
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
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