LES SOLITUDES, Luis de Góngora Fiche de lecture
Des quatre poèmes qui devaient constituer l'ensemble des Solitudes, Góngora (1561-1627) ne composa que le premier, en 1612 (1 091 vers), évoquant la campagne, et, en 1617, une grande partie du second (979 vers), célébrant les rivages. Les poèmes suivants devaient faire apparaître les forêts et le désert.
Un exubérant éloge de la vie pastorale
La Première Solitude (1613) rapporte les aventures d'un jeune homme qui, après avoir fait naufrage, aborde sur une côte. Des chevriers lui offrent leur cabane pour passer la nuit. Des oiseaux bercent son réveil : « Il a dormi. Et s'éveille quand les oiseaux,/ clochettes douces d'une sonore plume,/ le signal donnent suave/ de l'aube au Soleil qui son pavillon d'écume/ abandonne... » Puis, entouré d'une foule de jeunes gens et de jeunes filles, le voyageur assiste à une noce champêtre : « Des paysans enfin la nombreuse assemblée/ s'impatiente et veut voir/ les fiancés : lui, dans la fleur des ans/ plus florissant encor d'un riche capital ;/ elle –, l'éclat même des fleurs, la sphère aussi de la belle lumière./ Le lien de leurs deux cols,/ dans un lascif essaim d'amours/ Hyménée le nouait... » La cérémonie nuptiale achevée, un banquet réunit les convives. Les festivités durent jusqu'au soir, dans l'allégresse des jeux rustiques ou des chœurs alternés. Pour les jeunes époux, Vénus a préparé « aux amoureux combats un champ de plume ».
Dans la Deuxième Solitude (1617), le lendemain du jour de noce, le pèlerin sans nom s'embarque avec deux pêcheurs qu'il accompagne dans leur île : « Sur l'indécise rive/ – bordure insuffisante à un si grand miroir –/ l'Aube a trouvé le jeune voyageur/ avec les paysans qui ont passé la mer,/ pour assister à la fête nuptiale,/ à bord d'un pin toilé de vert feuillage. » À son retour, il contemple, depuis le bateau, le spectacle d'une partie de chasse de haut vol. Cet argument, ébauche d'une intrigue romanesque, est l'occasion de descriptions magnifiques de paysages, de personnages, d'animaux, d'oiseaux, de fleurs, ou de façons de vivre illustrant les avantages de la vie des champs sur celle des villes : « Loin d'ici l'ambition/ hydropique de vent,/ l'envie dont l'aliment/ est l'aspic égyptien. » Des discours moraux sur les ravages que provoquent l'ambition ou la soif de conquêtes prolongent cette dénonciation des mœurs citadines. L'exubérante ornementation du décor est exaltée, de façon mélodieuse, par la forme métrique où le poète excelle, la silva (libre combinaison de vers de onze et sept syllabes). Les descriptions de la nature se font toujours selon une perspective dynamique, accentuant ainsi la mouvance et la diversité rythmiques.
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
Classification
Autres références
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GÓNGORA Y ARGOTE LUIS DE (1561-1627)
- Écrit par Claude ESTEBAN
- 2 217 mots
Si éblouissant qu'apparaisse le Polyphème, il semble avoir été d'abord pour Góngora une « ouverture » aux thèmes et aux variations des Solitudes. Comme on l'a vu, Góngora, après avoir composé la première Solitude, longue de 1 091 vers, ne mena pas jusqu'à son terme la seconde,...