LES TRAVAILLEURS DE LA MER, Victor Hugo Fiche de lecture
Écrits à Guernesey en 1864 et 1865, et publiés l'année suivante simultanément à Bruxelles et Paris, Les Travailleurs de la mer sont certainement, des œuvres composées par Victor Hugo (1802-1885) pendant l'exil, celle qui doit le plus au lieu lui-même. Cette influence s'accentue par la suite : au roman, intitulé initialement L'Abîme, et achevé en avril 1865, Hugo ajoute en effet, en mai, un livre liminaire, « L'Archipel de la Manche », qu'à la demande des éditeurs il consent à retirer de l'ouvrage avant de le réintégrer en 1883. Un autre long chapitre descriptif, « La Mer et le vent », daté de février 1865 et détaché dans les mêmes circonstances, sera publié en 1911. Il se trouve depuis placé en addenda du roman, sous l'appellation de « reliquat ». Ainsi approximativement reconstitué, l'ensemble met en évidence l'importance du décor marin de l'archipel anglo-normand où l'écrivain va vivre, méditer et créer de 1855 à 1870.
Description d'un combat
Entre ce préambule et cet épilogue, qui mêlent érudition géographique et historique, description naturaliste, souffle épique, vision poétique et réflexion philosophique, le récit proprement dit se divise en trois parties, d'inégale longueur. La première, intitulée « Sieur Clubin », présente les principaux protagonistes et met en place les ressorts de l'intrigue : Mess Lethierry, vieil armateur de Guernesey, possède un bateau à vapeur, La Durande, qui assure la liaison avec Saint-Malo, au grand mécontentement des marins de l'île qui voient d'un mauvais œil ce progrès technique. L'un d'entre eux, Clubin, aidé de son complice Rantaine, échoue volontairement le navire sur des récifs. Au cours du naufrage, Clubin est emporté par une pieuvre géante et disparaît avec son secret. Lethierry promet la main de sa nièce, Déruchette, à qui parviendra au moins à sauver les machines du navire. La deuxième partie, « Gilliatt le malin », forme le cœur du roman : Gilliatt, un pêcheur solitaire mal vu de la population de l'île, se lance dans l'aventure par amour pour Déruchette. Les trente-sept chapitres qui suivent sont le récit halluciné du terrible combat mené par le héros contre la nature hostile. Résistant à la faim, à la soif et à l'épuisement, surmontant tous les obstacles, essuyant une terrible tempête, affrontant enfin la pieuvre géante qui avait emporté Clubin, Gilliatt, à force d'intelligence et de ténacité, parvient à transborder les machines sur sa frêle embarcation, et à les ramener à Saint-Sampson. La troisième partie, « Déruchette », beaucoup plus courte, est l'implacable épilogue de cette histoire : surprenant une conversation qui lui révèle que Déruchette est éprise du pasteur Ebenezer, Gilliatt renonce à celle qu'il aime. Et, comme Lethierry s'oppose à cette union, il va jusqu'à aider les deux amants à s'enfuir. Cet ultime sacrifice accompli, il se laisse engloutir par les eaux.
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
Classification
Média
Autres références
-
HUGO VICTOR (1802-1885)
- Écrit par Pierre ALBOUY , Pierre GEORGEL , Jacques SEEBACHER , Anne UBERSFELD et Philippe VERDIER
- 13 568 mots
- 5 médias
De tous les romans de Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer (1866) sont sans doute le plus poétique et le plus achevé. Réfection avouée de Notre-Dame de Paris, autobiographie mythique à peine dissimulée, le roman s'étend en préparations sur le jeu des deux abîmes, celui de la mer, celui du cœur,...