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LES TRENTE GLORIEUSES, Jean Fourastié Fiche de lecture

Cet ouvrage de Jean Fourastié (1907-1990), professeur au Conservatoire national des arts et métiers, membre de l'Institut, démographe, est resté célèbre pour avoir mis en évidence une expansion continue exceptionnelle des pays industrialisés après la Seconde Guerre mondiale. Cette expansion s'est caractérisée par des taux d'accroissement de 4 à 5 p. 100 pour la France sur presque une trentaine d'années. La chronologie de l'ouvrage, qui privilégie la continuité du changement, associe deux périodes politiques généralement dissociées – la IVe et la Ve République – et laisse de côté la crise et la période postérieure à 1975. Seule la France est analysée, mais le phénomène des Trente Glorieuses n'est pas propre à la France. On trouve le même profil de croissance dans la plupart des pays européens qui, dès le début des années 1950, connaissent une expansion plus forte que les États-Unis, mais inférieure à celle du Japon, ce dernier pays connaissant alors un phénomène de rattrapage économique qui ne concerne pas l'Europe.

La mutation structurelle de l'économie française

Le livre analyse la mutation française, essentiellement par une description de l'évolution du niveau de vie et du genre de vie des Français. Il rappelle des transformations techniques majeures, sans porter ce progrès au crédit ou au débit de tel ou tel gouvernement. En deçà des cadres politiques, il existe des facteurs institutionnels de progrès dont Jean Fourastié souligne l'importance. Il faut citer, en tout premier lieu, le Commissariat du plan fondé par Jean Monnet et dirigé après lui par Étienne Hirsch puis par Pierre Massé. Cette planification souple apparaît à Jean Fourastié comme un facteur de régulation essentiel, qui a pu pendant la période « corriger les erreurs et les lacunes du marché » dominé par l'horizon de l'immédiat. L'ouvrage se présente comme un livre d'histoire économique, mais aussi de science économique qui exige pour Fourastié une prise en compte « rationnelle du réel observé ou expérimenté ».

Plutôt que d'aborder d'emblée les mutations de la France sur un plan macroéconomique, Jean Fourastié étudie deux simples villages au nombre d'habitants restreint. L'un s'appelle Madère et figure le type de village d'un pays encore « sous-développé » ; l'autre est Cessac dont le profil est modelé par la croissance et un haut niveau de vie. À Madère le paysan moyen doit travailler huit heures pour gagner l'équivalent du prix d'un poulet, alors que l'habitant de Cessac le gagne en onze fois moins de temps. En réalité, dévoile Fourastié, Madère et Cessac ne sont qu'un seul et même village, Douelle dans le Lot. Mais Cessac, c'est Douelle au terme des Trente Glorieuses. Prenant les choses plus globalement, Fourastié analyse l'extraordinaire métamorphose de la France à partir de critères qui lui paraissent essentiels : profession, durée du travail, logement, enseignement, loisirs, moyens de transport, mais, surtout, santé, taux de mortalité, durée de vie moyenne, qui ont retenu alors plus particulièrement son attention car c'est sur ce terrain que semblent s'être dessinées les ruptures les plus fortes.

La mutation française, déjà spectaculaire sur le plan démographique (on passe de 40 à 53 millions de Français dans l'espace de ces trente années) s'est aussi traduite par la poussée de la population active qui a permis de résoudre facilement le problème du nouvel État-providence, les actifs pouvant prendre en charge un nombre croissant d'inactifs. Autre évolution décisive pour un pays comme la France, les paysans, qui représentaient encore le tiers de la population active au début de la période, n'en représentaient plus qu'un dixième en 1975. Le tertiaire bondit lui de 19 points en trente ans,[...]

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