LES TRENTE GLORIEUSES, Jean Fourastié Fiche de lecture
Un nouveau profil de la population et de la société française
Mais c'est le fait démographique qui lui semble avoir constitué le soubassement de la modernisation pour une France longtemps en difficulté sur ce point. L'accroissement de 13 millions d'âmes a été dû pour 9 millions à la supériorité de la natalité sur la mortalité et pour 4 millions, autre grand fait, à l'excédent de l'immigration sur l'émigration. L'accroissement de la population âgée ne jouait encore en 1975 qu'un rôle modeste dans l'évolution démographique. Le travail lui-même a connu de profondes mutations : diminution forte de sa durée, plein emploi, allocation de retraite généralisée, mobilité plus forte d'un métier à un autre, qualification supérieure des emplois aussi. Si un salarié sur deux est encore ouvrier, le nombre des travailleurs indépendants a diminué de moitié et l'offre d'emplois de cadres été multipliée par trois. Si l'enseignement primaire a progressé au rythme de la croissance démographique, l'enseignement secondaire a été multiplié par 4 et le supérieur par 8. L'avènement d'une ère des loisirs peut se lire dans l'effervescence des dépenses de photos et cinéma, disques, radios et téléviseurs, articles de sport, qui ont été multipliées par 5 pendant la période. La télévision, possédée par 1 p. 100 des ménages en 1954, était présente chez 86 p. 100 d'entre eux en 1975. Le nombre de logements est passé de 13 millions à 21 millions. La consommation alimentaire, qui représentait encore 44 p. 100 du budget des ménages, est tombée à 25 p. 100. Le poids du salaire indirect est passé de 20 p. 100 en 1938 à 40 p. 100 en 1975. Le pouvoir d'achat du salaire annuel a été multiplié par trois de 1949 à 1975. Cette évolution s'explique par une productivité croissante, un changement de structure de la consommation, des migrations professionnelles plus fortes.
L'ouvrage de Jean Fourastié, aujourd'hui un peu daté car il ignore les contradictions qui affectaient les Trente Glorieuses, en particulier l'épuisement progressif des vertus du « fordisme », apparaît surtout comme une justification des progrès accomplis face aux critiques de la vague de 1968, à la remise en cause de la société de consommation, voire à la contestation d'une certaine forme de productivisme importante dans les années 1960. Mais, dans une conclusion modeste au regard de l'hymne au progrès matériel que constitue l'ouvrage, Fourastié perçoit des faiblesses qui à ses yeux sont importantes : coûts salariaux trop élevés, productivité insuffisante, commerce extérieur fragile, sous-estimation dans le changement des rapports de force internationaux, etc.
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Écrit par
- Francis DEMIER : professeur des Universités, université de Paris-X
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