LES VAGUES, Virginia Woolf Fiche de lecture
Des voix dans le chœur
Mais ces voix sont aussi les pétales de la fleur que Susan, Jinny, Rhoda, Neville, Louis et Bernard constituent lorsque Percival les rassemble ; elles symbolisent alors, entre autres, la sensualité (Jinny), l'amour maternel (Susan), la fragilité psychologique (Rhoda), la personnalité clivée (Louis), la rationalité (Neville) et la créativité du conteur (Bernard), et incarnent les multiples facettes d’un moi possible ou idéal ; comme le dit Bernard, « Je ne suis pas un et simple, mais complexe et multiple. »
Trait d'union entre les six amis, figure androgyne qui rassemble le féminin et le masculin, figure héroïque et symbolique d'un puissant empire qui chancelle tout comme lui meurt d'une chute de cheval en Inde, figure fantomatique qui incarne le trauma du décès d'un frère (Thoby, l’un des frères de Virginia Woolf) et peut-être aussi figure absente mais totalisante de l'écrivain (« Un esprit en train de penser », Journal, 28 mai 1929), Percival est bien tout cela à la fois. Il donne la mesure de la polysémie d'un texte qui se veut insaisissable par son pouvoir infini de suggestion, sa poésie, sa nature implicite, métaphorique et symbolique.
Les Vagues est un chef-d'œuvre qui exige beaucoup du lecteur tout en lui donnant une grande liberté d'interprétation et lui déléguant ce pouvoir de devenir écrivain qu'évoque Roland Barthes dans S/Z. Ou, pour le dire avec les mots de Virginia Woolf, ce roman d'une facture et d’une nature nouvelles incite le lecteur à participer « de façon passive » (« Le Moment : nuit d’été », La Mort de la phalène), à laisser « son attention vagabonder » (« Reading »), à goûter la beauté du texte et à le prolonger à loisir en rêvant. Il évoque à la fois le désir et la difficulté de réinventer le langage tout en illustrant magnifiquement le pouvoir qu’a l’auteure de le réenchanter.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Christine REYNIER : professeure des Universités, docteure en littérature britannique, agrégée d'anglais
Classification
Autres références
-
WOOLF VIRGINIA (1882-1941)
- Écrit par Christine REYNIER
- 4 211 mots
- 4 médias
...dans l’histoire de la littérature ; pour y remédier, elle revendique un lieu à soi et un revenu pour que les femmes puissent écrire en toute liberté. Avec The Waves (1931, Les Vagues), Woolf revient à la fiction et à une prose très poétique qui évoque six personnages réduits à des voix, leur parcours... -
WOOLF VIRGINIA - (repères chronologiques)
- Écrit par Jean-François PÉPIN
- 420 mots
25 janvier 1882 Naissance à Londres de Virginia Adeline Stephen.
1895 Mort de Julia Stephen, mère de Virginia. Première dépression nerveuse de celle-ci.
1897 Virginia commence à tenir régulièrement un journal.
1898-1900 Virginia suit des cours au King's College de Londres.
1904 Mort de...