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VESNINE LES

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Architectes russes. La carrière des trois frères, Leonid Alexandrovitch (1880-1933), Viktor Alexandrovitch (1882-1950), Alexandre Alexandrovitch (1883-1959), commence bien avant la révolution ; mais ils ne se distinguent alors en rien des architectes de l'époque, obligés de satisfaire des clients particuliers. La révolution de 1917 permet l'explosion du talent des frères Vesnine. Dès 1919, ils commencent une carrière pédagogique et enseignent dans quatre instituts, notamment aux Vkhoutemas et au M.A.I. (Institut d'architecture de Moscou). Ils soulignent l'importance du rôle de l'architecte dans la nouvelle société socialiste, surtout en ce qui concerne la construction industrielle.

Les Vesnine, comme beaucoup d'architectes des années 1920, vivent avec leur époque, respirent à son rythme, et leur période constructiviste commence dès l'année 1924. Ils jouent un grand rôle dans la création du groupe de l'O.C.A. (Union des architectes contemporains) et éditent de nombreux articles dans la revue de ce groupe, L'Architecture contemporaine (CA, 1926-1930). C'est le début d'une intense période de réflexion et de création architecturales. Outre l'élaboration de nombreux projets, ils participent à des concours pour des clubs ouvriers, pour le palais du Travail, pour la poste centrale de Moscou, etc. On citera quelques projets marquants : en 1924, projet pour la succursale du journal Leningradskaïa Pravda à Moscou ; en 1925, projet de grand magasin à Moscou, projet pour le club des ouvriers du textile ; en 1926, projet de gare à Kiev. Les années 1929-1932 marquèrent l'apogée de leur carrière d'architectes avec la construction de la centrale hydroélectrique du Dnieproguess. À partir de 1933, les frères Vesnine doivent se soumettre à l'idéologie de l'époque qui souligne l'importance du problème de l'héritage culturel et de la monumentalité en architecture. Avec le projet du palais des Soviets (1933), les divers projets pour la maison de l'Industrie (1935), les Vesnine cèdent au monumentalisme conquérant de l'époque stalinienne. L'année 1936 marque la fin de leur période créatrice. Les Vesnine (Viktor et Alexandre), tout en continuant à enseigner à l'Institut d'architecture, se borneront désormais à publier quelques textes théoriques dans divers journaux.

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Alexandre Vesnine fut peintre avant d'être architecte, et cette activité mérite d'être étudiée pour elle-même. Elle débute vers 1910, à l'époque où il partageait un studio avec Tatline. Il expose des toiles à la célèbre Dixième Exposition d'État (où voisinent le Noir sur noir de Rodtchenko et le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch), mais il n'en reste apparemment pas de photographie. Il prend parti pour les constructivistes et participe à l'exposition organisée en 1921 par Rodtchenko, « 5 × 5 = 25 » (Stepanova, Popova et Exter étaient les trois autres membres de ce quintette). Mais ses réalisations les plus personnelles sont sans doute ses décors de théâtre : théâtre dans la rue, d'abord, avec la décoration de la place Rouge et du Kremlin pour les fêtes du 1er mai 1918. Il travaille surtout au Kamennyï Teatr avec Taïrov qui est l'un des premiers grands metteurs en scène à collaborer avec les artistes. En 1920, Taïrov monte L'Annonce faite à Marie, de Claudel ; en 1921, Roméo et Juliette, mais les décors de Vesnine sont plus éblouissants dans Phèdre (en 1922) et pour Un nommé Jeudi de Chesterton (1923). Les décors géométriques de Phèdre, sans accessoires réalistes, forment une sorte de caverne descendante dont les différents plans — articulés selon l'idée futuriste d'intersection des plans (Boccioni) — sont mobiles et captent la lumière diversement selon leur inclinaison. Les costumes rouges et orange des acteurs (en général de longues draperies) contrastent avec la froideur de cet espace sculptural. Le décor de Un nommé Jeudi est beaucoup plus complexe, sorte d'échafaudage préliminaire à la construction d'un bâtiment. Des escalators, des cages d'ascenseurs, des monte-charge, des écrans pour projeter les titres forment un univers mécanique en mouvement perpétuel propre à critiquer l'atmosphère de la grande ville : ainsi, après la grande fascination éprouvée pour la machine (le futurisme russe, Dada...), commence avec la naissance d'un monde bureaucratique toute une satire théâtrale de la mécanisation (les acteurs se déplaçaient à des rythmes différents mais réguliers), plus d'une décennie avant le film de Chaplin, Les Temps modernes.

Vers la fin des années 1930, Vesnine revient à une peinture sans éclat, mais peut-être est-ce à cause des persécutions dont l'avant-garde artistique est l'objet qu'il devient alors un aquarelliste très tranquille.

— Anatole KOPP

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Écrit par

  • : architecte honoraire, professeur à l'université de Paris-VIII

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