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LES VISAGES ET LES CORPS (exposition)

Pendant trois mois, du 2 novembre 2010 au 31 janvier 2011, les visiteurs du Louvre auront pu voir aux murs du musée un beau visage grave, accompagné d'inscriptions : « Le Louvre invite Patrice Chéreau », « Les Visages et les corps ». Le président-directeur du musée, Henri Loyrette, a choisi comme « grand invité », après Pierre Boulez, Toni Morrison et Umberto Eco, un metteur en scène français de théâtre, d'opéra et de cinéma. C'est une reconnaissance supplémentaire pour celui qui a connu, très jeune, la consécration internationale. C'est aussi l'occasion de présenter « une œuvre en soi, un tout, comme un moment où je m'arrêterais pour réfléchir, où je me poserais un instant » : ainsi s'exprime Patrice Chéreau, dans l'ouvrage réalisé avec Vincent Huguet et Clément Hervieu-Léger, intitulé, comme l'ensemble de la manifestation, Les Visages et les corps (Skira-Louvre Éditions, 2010).

Ce livre magnifique restera la seule trace d'un rêve inimaginable pour l'enfant familier des lieux, d'une traversée nocturne magique pour les spectateurs des quelques représentations, de la découverte d'une salle en rupture avec toute logique muséographique pour les visiteurs de l'aile Sully. L'ouvrage associe un journal, des entretiens avec Clément Hervieu-Léger, des textes du conservateur Sébastien Allard et de Vincent Huguet, autre partenaire de l'exposition, et une très belle iconographie : clichés de répétitions, photographies du salon Denon, choisi pour Rêve d'automne de Jon Fosse et La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès, reproductions des œuvres présentées dans les deux expositions Les Visages et les corps et Derrière les images.

« Les Visages et les corps [...] : ce quelque chose qui n'appartient qu'à une seule personne, qui est bouleversant dès qu'il apparaît et se transforme. » Délivré du poids des images par le cinéma, Patrice Chéreau se consacre au théâtre à « des visages, des corps dans un espace, dessinant une narration ». Commissaire de l'exposition dans la salle Restout, libre de sélectionner les œuvres qui le touchaient dans les collections de divers musées, il a fait le même choix : la singularité des êtres, et parfois l'amorce d'une histoire entre les tableaux. Il a rapproché plusieurs portraits pour la seule intensité du regard. Il a associé la couleur de la carnation dans L'Étreinte de Picasso et Le Christ mort couché sur son linceul de Philippe de Champaigne, comme il a filmé les amants dévêtus d'Intimité dans une lumière grise londonienne. Il a intercalé entre les visages âgés de La Folle monomane du jeu de Géricault et de l'Autoportrait du Tintoret le juvénile corps nu de Clemens in my hall, une des photographies de Nan Goldin accrochées parmi les tableaux.

L'artiste américaine présentait aussi une de ses célèbres chambres vides au milieu des visages et des corps. Elle était en outre présente avec Scopophilia, un superbe diaporama de ses propres clichés, des tableaux de l'exposition ou d'autres œuvres du musée, photographiés à l'invitation de Patrice Chéreau. Pendant les trois mois de la manifestation, restait aussi visible l'exposition Derrière les images, fabrique secrète du travail scénique, issue des fonds de l'I.M.E.C. : esquisses des premiers spectacles, maquettes de Richard Peduzzi, coupures de presse sur la gestualité de la violence, dessins du peintre Jean-Baptiste Chéreau lors d'une hospitalisation, montrés pour la première fois par son fils.

Pendant plus d'un mois, Patrice Chéreau semblait habiter le Louvre, avec bonheur. Il a repris un soir sa lecture de Coma de Pierre Guyotat, sous la direction de Thierry Thieû Niang. Il a été le récitant d'Histoire du soldat de Stravinski lors du concert, dirigé[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Poitiers, critique théâtrale de La Quinzaine littéraire et de En attendant Nadeau

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