WORTH LES
Dans la famille Worth, qui est à l'origine d'une célèbre maison de haute couture parisienne, trois générations ont compté : le fondateur Charles Frédéric Worth (1825-1895), ses fils, Gaston (1853-1924) et Jean Philippe (1856-1926), et les enfants de Gaston, Jean Charles (1881-1962) et Jacques (1882-1941).
Charles Frédéric Worth, né en Angleterre dans le Lincolnshire, arrive à Paris à l'âge de vingt ans. Chez Gagelin, fameux marchand de tissus, il acquiert l'expérience de la clientèle féminine à laquelle il montre tissus et modèles tout faits, châles, manteaux et vestes, baptisés « confections », que présentent des employées, les « demoiselles de magasin ». Le jeune homme innove en créant dans les tissus de Gagelin des robes sur mesure, alors qu'à cette époque la fabrication des tissus et la création de vêtements constituent deux activités indépendantes : désormais le couturier pourra s'assurer l'exclusivité de certains tissus pour ses créations. Ces robes nouvelles portées par Marie Vernet, « demoiselle de magasin », épousée par Worth en 1851, suscitent quelques commandes privées, sans permettre toutefois l'ouverture d'un département de haute couture, car la maison Gagelin demeure attachée à ses traditions de vente de tissus au mètre.
Dans sa propre maison de couture, fondée en 1858 au 7, rue de la Paix, en association avec le Suédois Bobergh, Worth s'attire des clientes prestigieuses comme la princesse Pauline de Metternich, femme de l'ambassadeur d'Autriche, qui amène l'impératrice Eugénie. Worth innove par la cohérence de sa démarche de mode (il commande spécialement aux soyeux lyonnais des tissus à motifs « symétriques » destinés, par anticipation, à s'adapter à la forme de ses robes futures) et par l'intervention des mannequins vivants, qui arborent devant les clientes les toilettes de la saison ; ainsi, avec ces inventions, ces détails spécifiques qui marquent une saison, naît peu à peu l'idée d'un style propre du couturier, dont la continuité doit intégrer des variations dues au rythme saisonnier. Worth est sans doute un des premiers couturiers à signer ses œuvres, à l'instar des peintres par exemple, en apposant une griffe imprimée, qui souligne le caractère d'œuvre d'art de ses créations, toutes différentes. L'individualité de chaque robe, le soin donné à son exécution justifient les prix très élevés pratiqués alors par Worth, bientôt imités par les autres maisons de haute couture : en réalité Worth, à partir de formules simples (comme la jupe à crinoline projetée en arrière, dont il est peut-être l'inventeur), apporte, par un jeu savant de drapés, de panneaux, de franges, des combinaisons décoratives très admirées alors et dont les multiples variations nous semblent aujourd'hui un peu insipides. Parmi les concepts expérimentés par Worth, un des plus novateurs est celui d'une robe qui ne nécessiterait pas de couture horizontale à la taille : cette formule, inaugurée vers 1864, Worth l'a baptisée « robe princesse » ; dans les mêmes années, le couturier propose la robe à jupe raccourcie, destinée aux voyageuses, aux sportives : pour ces modèles pratiques, l'encombrante crinoline cède la place à une jupe en forme de cône étroit. Mais la transformation la plus déterminante de Worth est la robe à tournure, lancée en 1868 : un jupon rembourré à l'arrière souligne la croupe féminine.
Si la chute du second Empire, en 1870, ravit au couturier une partie de sa clientèle, il n'en demeure pas moins un des principaux créateurs de la mode dans les deux décennies suivantes, apportant des développements à la tournure, puis l'abandonnant définitivement en 1890. À sa mort, en 1895, il est à juste titre salué comme le père de la haute couture.
Gaston[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Guillaume GARNIER : conservateur du musée de la Mode et du Costume, palais Galliera
Classification
Médias
Autres références
-
MAISON WORTH & BOBERGH (Paris)
- Écrit par Farid CHENOUNE
- 240 mots
- 1 média
Charles-Frederick Worth (1825-1895) est considéré comme le fondateur de la haute couture. Vendeur à Londres, il s'installe en 1845 à Paris. Premier commis chez Gagelin, mercier de luxe, il y rencontre son futur associé, le commis Gustave Bobergh. Dans leur établissement installé 7, rue de la Paix,...
-
MODE - Le phénomène et son évolution
- Écrit par Valérie GUILLAUME
- 11 172 mots
- 22 médias
En s'installant à Paris, au 7, rue de la Paix, en 1858, le couturier Charles Frédéric Worth (1825-1895) pose les fondements de la structure de la haute couture telle que nous la connaissons aujourd'hui. Proposant à ses clientes des modèles fabriqués sur mesure dans le tissu de son choix, il instaure...