YUAN (LES)
Si Gengis-khan (c. 1167-1227) est considéré comme le « Grand Ancêtre » (Taizu) de la dynastie des Yuan, celle-ci ne règne sur l'ensemble de la Chine qu'après la chute des Song du Sud, en 1279. Les Mongols s'attaquent à la Chine du Nord, alors aux mains de la dynastie Jürchen des Jin, dès le début du xiiie siècle, y faisant des ravages terribles. La capitale des Jin, Kaifeng, tombe en 1234. En 1260, le petit-fils de Gengis, Qubilai, interrompt ses campagnes dans le sud-ouest de la Chine pour s'emparer du titre de grand-khan à Karakorum, la capitale de l'empire mongol, suscitant par là des oppositions qui aboutiront à la fragmentation de facto de ce dernier. Conservant le contrôle de l'Asie orientale, il établit sa capitale à Pékin, appelée Dadu (1264), et y adopte le titre dynastique de Yuan en 1271. La résistance des Song du Sud, contournés par l'ouest, dure près d'une décennie. Le nouveau régime, qui domine également la Mongolie actuelle et la Mandchourie, pratique une politique extérieure agressive, imposant sa suzeraineté à la plupart des voisins proches et lointains de la Chine (expéditions en Indochine, en Birmanie, à Java). Mais deux tentatives d'invasion du Japon (1274 et 1281) tournent au désastre.
La domination mongole en Chine, qui a laissé dans la tradition le souvenir d'une calamité nationale, peut être décrite comme un régime d'occupation militaire fondé sur la discrimination raciale et l'exploitation économique, avec une façade d'administration à la chinoise. Si l'aristocratie mongole a préconisé un temps de transformer la Chine en pâtures à chevaux, des conseillers influents savent persuader Qubilai de conserver l'agriculture sédentaire comme base économique du régime, tout en favorisant le type d'économie monétaire et commercialisée hérité des Song. De fait le commerce étranger, tant continental (via l'Asie centrale) que maritime, connaît un développement remarquable sous les Yuan. Les postes de pouvoir sont presque tous aux mains des Mongols et de leurs associés non chinois, auxquels ils afferment en particulier la collecte des impôts. Si les examens confucéens sont réinstaurés en 1315, ils ne donnent accès qu'à des postes d'exécution subalternes, et des quotas avantageux réservent la moitié des places aux Mongols et à leurs alliés. Mais la bureaucratie de type chinois que les Mongols ont finalement conservée est un trait d'union essentiel entre la caste dirigeante et le pays réel. Enfin, les fonctions militaires, héréditaires, sont monopolisées par les Mongols.
Le fonctionnement harmonieux de ce système ne durera guère au-delà du règne de Qubilai (Shizu, règne de 1260 à 1294) et de son successeur Chengzong (règne de 1294 à 1307). Ces décennies se signalent par un certain degré de reconstruction économique, par la création d'une monnaie de papier unifiée favorable au développement des échanges, et par quelques travaux d'infrastructure comme l'aménagement d'un nouveau Grand Canal faisant communiquer le Sud et la région de Pékin. Mais dès les années 1320, les conflits pour la succession à l'intérieur du clan impérial jouent au profit d'une aristocratie qui se complaît dans les luttes de factions à la cour et laisse l'administration du pays à la bureaucratie subalterne. Malgré quelques tentatives de remise en ordre qui tournent court, le pays est bientôt plongé dans le chaos par la corruption et l'incapacité du pouvoir, par une politique de discrimination raciale très mal supportée, par une fiscalité oppressive, par le gouffre qui s'accroît entre riches et pauvres (la grande propriété domaniale se développe considérablement et une proportion croissante de la population est réduite au servage), et enfin par une série de calamités naturelles catastrophiques. Dès 1340 l'agitation paysanne apparaît endémique. En 1351, des rébellions millénaristes[...]
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Écrit par
- Pierre-Étienne WILL : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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