KAPLAN LESLIE (1943- )

« Sauter hors de la rangée des assassins »

Leslie Kaplan aime citer cette définition de l’écriture que donne Kafka, dans ses romans, mais aussi dans ses articles et entretiens – regroupés dans Les Outils (2003) et son site du même nom (2012). Les « assassins » peuvent être réels et plusieurs romans racontent de véritables meurtres (comme Fever, 2005), mais ils sont le plus souvent métaphoriques, désignant ceux qui restent dans le rang et assassinent le possible, mais surtout nos angoisses, les « assassins intérieurs » de la répétition et du ressassement. Écrire permet de (re)bondir, grâce à un point d’appui, les mots. La fiction et l’invention de formes inédites ouvrent des lignes de fuite.

Créer des liens, jeter des ponts entre les êtres, les choses et les genres, là se trouve la puissance de la littérature, de là vient la jubilation qu’elle produit. On pense « avec des outils » : tous les romans de Leslie Kaplan embarquent ainsi des fragments de chansons et de poèmes, des séquences de films, des bribes de savoir. La psychanalyse joue un rôle particulier : comme l’écriture, elle prend l’angoisse au sérieux et explore un langage vivant, adressé et polysémique. L’écrivaine lui emprunte attention flottante et suspension du jugement, afin de tout accueillir, utilise associations libres et détails dans la construction des personnages et l’articulation du récit. Intelligente, libre et fluide, son écriture progresse par glissements, comme le mouvement même de la pensée.