LETTONIE
Nom officiel | République de Lettonie |
Chef de l'État | Edgars Rinkevics - depuis le 8 juillet 2023 |
Chef du gouvernement | Evika Silina - depuis le 15 septembre 2023 |
Capitale | Riga |
Langue officielle | Letton |
Population |
1 877 445 habitants
(2023) |
Superficie |
64 590 km²
|
Article modifié le
Histoire
Des origines au XIIIe siècle
Des populations proto-baltes occupaient sans doute au IIe millénaire avant J.-C. un territoire couvrant la plus grande partie de l'Europe médiane. Les échanges commerciaux entre les peuples de cette région étaient importants, en raison de la présence sur les rives de la Baltique de l'ambre aux propriétés mystérieuses. Jusqu'au viiie siècle de notre ère, des migrations regroupèrent les Baltes du nord en quatre communautés : les Coures, les Latgaliens, les Séloniens et les Sémigaliens qui formeront le peuple letton.
À travers leur territoire, la Daugava offrait une route commerciale vers les principautés russes, que les Vikings utilisèrent jusqu'au xe siècle. Puis leur déclin permit aux Coures de pratiquer la piraterie dans la mer Baltique ; le commerce contrôlé par la Ligue hanséatique en souffrait, donnant ainsi un prétexte aux Germaniques pour organiser une croisade dont le but officiel était de « convertir les derniers païens d'Europe » et dont la raison majeure était de s'emparer de leurs territoires.
La Livonie chrétienne des chevaliers Porte-Glaive
Cette croisade débarqua en 1201 à l'embouchure de la Daugava dans une région qui fut baptisée Livonia (Livland) parce que la première tribu rencontrée sur le rivage était les Lives, des Finno-Ougriens. La ville de Riga fut fondée la même année et devint le centre de la conquête organisée par les chevaliers Porte-Glaive, qui s'étendit rapidement vers le nord pour englober à peu près les territoires actuels de l'Estonie et de la Lettonie. Les Porte-Glaive subirent, lors d'une incursion au sud, une défaite à Sauḷe devant les Lituaniens en 1236. À la suite de cette défaite, le pape ordonna la fusion des Porte-Glaive avec l'ordre des Teutoniques, donnant naissance à l'ordre de Livonie.
Cette nouvelle confédération était subdivisée en domaines, appartenant soit aux Danois arrivés au nord en 1219 qui fondèrent Tallinn, soit à l'archevêque de Riga, Albert de Buxhövden et ses successeurs, soit aux ordres de chevalerie. Les autochtones, qui avaient servi de prétexte à la conquête, se retrouvèrent bientôt serfs de ceux qui étaient venus les libérer de leurs « superstitions », mettant ainsi un terme à toute forme d'autonomie locale dans le pays. Dans le système de féodalité mis en place par les Germaniques, leur sort empira progressivement jusqu'au début du xixe siècle, quel qu'ait été le suzerain officiel, polonais, suédois ou russe.
La Réforme luthérienne et ses conséquences
Le début du xvie siècle fut marqué par la Réforme de Luther, qui connut un grand succès dans les pays baltiques. Les Germaniques virent dans cette réforme le moyen de contester l'autorité romaine, tout en préservant leur propre pouvoir sur les paysans locaux. La lutte pour la possession des églises et des biens ecclésiastiques fut violente entre les clergés catholique et luthérien. Le ralliement du grand maître de l'ordre de Livonie à la nouvelle doctrine marqua la fin de la Livonie catholique. Les seigneurs germaniques profitèrent de ces querelles pour ajouter à leurs nombreux droits celui de choisir la religion de leurs sujets. La nouvelle évangélisation servit de prétexte au tsar Ivan IV le Terrible pour déclencher contre la Livonie une campagne qui, par le jeu des alliances, eut pour conséquence de faire passer sous souveraineté polonaise le sud de la région actuelle de l'Estonie, tandis que le pays des Estes au nord, avec Tallinn-Reval, passait sous protection suédoise. La Zemgale et la Courlande gardèrent une existence indépendante sous la forme d'un duché que le dernier grand maître, Gotthard Kettler, quoique converti lui-même, reçut en fief héréditaire de l'État polono-lituanien catholique auquel il s'était allié. À partir de 1561, l'ordre de Livonie cessa ainsi d'exister.
Les occupations polonaise et suédoise
L'échec du tsar Ivan IV réveilla l'intérêt des pays voisins pour cette région, notamment de l'État polono-lituanien et de la Suède. La Livonie devint alors le champ de bataille entre Polonais et Suédois, alliés précédemment contre la Russie. Les Suédois l'emportèrent en 1621, prirent Riga et, en 1626, annexèrent toute la Livonie, écartant ainsi les Russes de la mer Baltique pour un siècle. Seule la Latgale leur échappa et resta polonaise et catholique.
L'occupation suédoise est demeurée dans la mémoire collective de ces peuples comme une période heureuse, grâce aux progrès apportés notamment par Charles XI (1660-1697) qui tenta d'alléger le sort des serfs, malgré l'opposition des propriétaires germaniques. Mais avec l'arrivée de Charles XII, ces derniers récupèrent tous leurs droits sur les paysans. Sur le plan culturel, cette période fut marquée par l'ouverture de l'université de Dorpat (Tartu).
Le duché de Courlande (1561-1795)
Le grand-duc Gotthard Kettler révéla dans ses nouvelles fonctions des capacités commerciales remarquables que prolongèrent ses successeurs. Ils firent construire une flotte marchande qui bientôt sillonna toutes les mers du globe. Ils acquirent plusieurs comptoirs, Tobago aux Antilles et Saint-André aux portes de l'Afrique. Pendant près de deux cent cinquante ans, le duché de Courlande eut une existence brillante et paisible. Il vivait sous le regard de la Russie, alors que son suzerain officiel était le roi de Pologne. Le troisième partage de cet État (1795) porta un coup fatal au duché, qui fut annexé par la Russie et devint une des provinces baltiques de l'Empire.
La domination russe
La rivalité entre la Suède et la Russie pour la domination de la côte orientale de la Baltique entraîna une guerre dévastatrice durant vingt ans. La Livonie passa aux mains des tsars après la paix de Nystad en 1721. La Latgale connut le sort de la Pologne et fut annexée à la Russie en 1772. Après leur rattachement à l'empire tsariste, les régions lettones connurent deux siècles de paix. Dès la fin du xviiie siècle, le port de Riga eut une expansion commerciale importante et la région devint un centre d'activités artisanales, puis industrielles de premier plan, accompagnées d'un développement démographique remarquable.
Avec le développement des affaires se forma peu à peu, au xixe siècle, une bourgeoisie locale sensible au mouvement d'identité nationale qui traversait toute l'Europe. Vers 1860 parurent les premiers journaux lettons et se formèrent les premières associations culturelles lettones. C'est dans la contestation de la suprématie allemande par les autorités russes que la communauté lettone réussit à se faire connaître, grâce à l'action culturelle et sociale de mouvements comme celui des Jeunes Lettons (Jaunlatvieši) ; les noms de Krišjanis Valdemars, de Juris Alunans, de Krišjanis Barons marquèrent l'histoire de l'éveil national letton.
La concentration ouvrière autour de Riga entraîna la formation de partis politiques. La fin du xixe siècle et le début du xxe furent marqués par une série de grèves qui culminèrent en 1905 dans l'agitation révolutionnaire dirigée en Lettonie contre les propriétaires allemands plutôt que contre le régime tsariste.
La Première Guerre mondiale
Ce conflit permit l'émergence de l'idée d'indépendance. La formation d'un corps de tirailleurs lettons contribua au renforcement de l'idée nationale. Créé en dépit de l'opposition de l'état-major russe, il convainquit les Lettons que leur avenir dépendait d'eux-mêmes plutôt que de la Russie. La révolution d'Octobre hâta les changements. Le corps des tirailleurs se divisa, une partie rallia le camp de la révolution et essaya en vain de gagner le pays aux idées bolcheviques, tandis qu'une autre se mettait au service des autorités lettones qui tentaient de se créer une légitimité. Confortées par la victoire des Alliés à l'ouest, ces autorités proclamèrent, le 18 novembre 1918, la naissance de la République de Lettonie composée par la réunion des quatre provinces historiques, la Livonie, la Courlande, la Zemgale et la Latgale. Janis Čakste en fut le premier président. La Russie soviétique, par le traité de Riga (août 1920), reconnut l'indépendance de la Lettonie. La nouvelle République fut reconnue de jure en janvier 1921.
L'entre-deux-guerres
Sur le plan politique, le nouvel État a souffert dès sa naissance de l'idéalisme démocratique qui avait inspiré les auteurs de sa Constitution, élaborée en 1922. Le scrutin de liste proportionnelle à un tour favorisait l'instabilité des gouvernements, ce qui provoqua un mécontentement grandissant dans la population, tandis que la crise mondiale des années 1930 provoquait une aggravation du chômage. Les difficultés politiques incitèrent le Premier ministre Karlis Ulmanis à prendre le pouvoir le 15 mai 1934 ; il instaura alors sans effusion de sang un régime autoritaire.
Sur le plan économique et social, l'œuvre de la nouvelle république fut considérable. Sortie exsangue de la guerre, la Lettonie sut prendre les mesures nécessaires pour rétablir son économie. La plus urgente fut la réforme agraire qui nationalisa les grandes propriétés et les répartit entre les paysans sans terres, afin de créer une classe de petits propriétaires. La redistribution des terres provoqua un choc social et entraîna une extension spectaculaire de la production agricole. La création en 1922 d'une monnaie nationale, le lats, permit de redresser la situation économique. Sur le plan social, la loi sur les minorités reconnut à celles-ci tous les droits compatibles avec l'unité de la nation, notamment celui de fonder des écoles et celui d'enseigner dans sa propre langue. La Constitution accorda aussi le droit de vote aux femmes, qui jouaient dans la reconstruction du pays un rôle essentiel. Les années de l'entre-deux-guerres furent, pour la littérature lettone, brillantes, marquées par les productions des grands anciens, Janis Rainis, Krišjanis Barons, Aspazija, et par l'apparition d'une nouvelle génération ouverte sur le monde, celle d'Edvarts Virza, Anna Brigadere, Janis Akuraters entre autres.
Sur le plan international, après avoir fait reconnaître son existence en entrant à la Société des nations, la Lettonie essaya d'établir avec ses voisins des relations de bon voisinage ; mais elle fut vite emportée par la montée des nationalismes qui secouait alors l'Europe.
Par le pacte germano-soviétique du 23 août 1939, les pays baltiques furent « concédés » à l'URSS qui les occupa en juin 1940, mettant fin ainsi à leur indépendance.
La Seconde Guerre mondiale
La première année de l'occupation soviétique, surnommée « l'année des horreurs » (1940-1941), fut marquée par de nombreuses déportations et par l'alignement du niveau de vie letton sur celui de l'URSS. L'attaque du 22 juin 1941 entraîna l'occupation du pays par les troupes allemandes, qui furent très diversement accueillies par les Lettons. Ces derniers, divisés, se rendirent vite compte qu'ils avaient seulement changé de maîtres. Le pays subit de lourdes pertes humaines, avec l'extermination de 100 000 Juifs, puis avec la fuite vers l'Ouest en 1944 de près de 140 000 Lettons qui redoutaient le retour de l'Armée rouge. La retraite allemande entraîna la reprise en main de la Lettonie par le pouvoir soviétique.
La période soviétique
Les premières années de l'après-guerre furent parmi les plus sombres de l'histoire du pays. Les déportations en Sibérie reprirent et augmentèrent jusqu'en 1949 lors de la collectivisation forcée. Près de 120 000 Lettons furent emprisonnés ou déportés vers le goulag.
Dans ce pays ayant perdu le tiers de sa population, de nombreux immigrés soviétiques vinrent reconstruire et développer l'industrie. La Lettonie dut adopter les méthodes agraires soviétiques et toutes les infrastructures de l'entre-deux-guerres furent détruites afin de mettre en place les méthodes collectivistes. En raison de la tradition ouvrière lettone, Moscou installa dans la région de Riga quelques-unes de ses industries de pointe et, pour faire tourner ses usines, fit venir en masse des ouvriers de toute l'URSS. Les Lettons devinrent ainsi presque minoritaires dans leur pays, surtout dans les villes, où le russe devint la langue véhiculaire.
Cette situation n'entama pas la volonté des Lettons de recouvrer leur liberté. Les conséquences imprévues des Accords d'Helsinki (1975) ainsi que l'évolution de l'URSS sous Mikhaïl Gorbatchev permirent la formation de plusieurs organisations de masse, notamment le Front populaire letton (TautasFronte), qui exigeaient la publication des Accords de 1939, restés secrets, et l'autonomie au sein de l'URSS. Après l'échec du putsch de Moscou du 19 août 1991, l'indépendance fut proclamée le 21 août.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- J. A. ANDRUPS : historien de la littérature
- Céline BAYOU
: docteure en civilisation russe, option géographie (Institut national des langues et civilisations orientales), rédactrice pour les revues
Questions Internationales etP@ges Europe de la Documentation Française, corédactrice en chef de la revueRegard sur l'Est , chargée de cours à l'Institut national des langues et civilisations orientales - Suzanne CHAMPONNOIS : docteur de l'Université, ancien maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales (histoire des pays Baltes)
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
Autres références
-
LETTONIE, chronologie contemporaine
- Écrit par Universalis
-
BALTES PAYS
- Écrit par Suzanne CHAMPONNOIS
- 1 320 mots
Les territoires actuels de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie forment un ensemble géographique soudé de 175 000 kilomètres carrés. On a coutume de dire que ces États constitueraient un tout, les pays Baltes. Or, en dehors de leur unité géographique sur la rive orientale de la mer Baltique,...
-
COURLANDE
- Écrit par Jean BÉRENGER
- 410 mots
Province occidentale de la Lettonie, située sur la Baltique, au sud du golfe de Riga, la Courlande eut une existence propre à partir du xvie siècle. Peuplée par les Koures qui parlaient un dialecte letton, la province est conquise, entre 1245 et 1250, par les chevaliers Teutoniques qui convertissent...
-
RIGA
- Écrit par Suzanne CHAMPONNOIS
- 712 mots
- 2 médias
La capitale actuelle de la Lettonie est fondée en 1201 par l'évêque Albert de Buxhövden, envoyé pour convertir les « derniers païens d'Europe ». Il bâtit non loin de l'embouchure de la Daugava une cité qu'il nomme Riga, dont les armes rappellent l'origine germanique (tours de ...
Voir aussi
- RUSSIE FÉDÉRATION DE
- RUSSE LANGUE
- AGRAIRES RÉFORMES
- BALTIQUE MER, histoire
- MINORITÉS
- DÉPORTATIONS & TRANSFÈREMENTS DE POPULATIONS
- RETRAITE PAR CAPITALISATION
- PAUVRETÉ
- GAZODUC
- LETTONE LITTÉRATURE
- JAUNSUDRABINŠ JANIS (1877-1962)
- RAÏNIS JANIS PLIEKŠĀNS dit JANIS (1865-1929)
- SKALBE KĀRLIS (1879-1945)
- UPĪTIS ou UPITS ANDREJS (1877-1970)
- VIRZA EDVARTS LIEKNIS dit EDVARTS (1883-1940)
- ZĪVERTS M. (1903-1990)
- AKURATERS JANIS (1876-1937)
- ČAKS ALEXANDRE ČADARAINIS dit ALEXANDRE (1902-1950)
- VIKE-FREIBERGA VAIRA (1937- )
- BERZINS ANDRIS (1951- )
- GORBUNOVS ANATOLIJS (1942- )
- COMMERCE, histoire
- NORD GUERRES DU (1655-1660 et 1700-1721)
- POLOGNE PARTAGES DE LA
- RUSSIFICATION
- POLONO-LITUANIENNE RÉPUBLIQUE
- DAUGAVA, fleuve
- ORALE LITTÉRATURE
- RÉFORME ÉCONOMIQUE
- ZATLERS VALDIS (1955- )
- POLOGNE, histoire, de 1500 à 1763
- EFFONDREMENT DU BLOC COMMUNISTE
- KETTLER GOTTHARD, duc de Courlande (1517 env.-1587)
- DANOIS LES, histoire médiévale
- RUSSIE, histoire, des origines à 1801
- URSS, vie politique et économique
- URSS, histoire
- LIVONIE
- ULMANIS GUNTIS (1939- )
- LETTON, langue
- AUSTÉRITÉ POLITIQUE D' ou POLITIQUE DE RIGUEUR