LETTRE DE CACHET
Les lettres de cachet sont victimes d'une déviation sémantique presque toujours péjorative. On en oublie jusqu'à la signification originelle, qui est pourtant bien simple et fort innocente : ce sont des manifestations discrètes et personnalisées de l'autorité royale, par opposition aux lettres « patentes », actes souverains publics et même solennels. Les lettres de cachet sont des lettres fermées signées du roi, souscrites par un secrétaire d'État qui est presque toujours celui de la maison du roi. Elles sont utilisées à des fins particulières, pour convoquer un corps judiciaire, pour ordonner une cérémonie. Elles contiennent le plus souvent un ordre individuel d'exil ou d'emprisonnement, ou encore d'internement. La lettre est adressée à un officier qui la remet à l'intéressé. Il ne s'agit pas d'une mesure arbitraire, mais d'une manifestation de la justice personnelle du souverain, en général après enquête et délibération, parfois en Conseil. Cette institution permet d'arrêter rapidement un suspect, de réprimer un délit de presse, surtout de mettre à l'écart un fils de famille indigne, débauché ou prodigue : Sade et Mirabeau furent les plus célèbres « victimes » de cet usage. Sous l'Ancien Régime déjà, on a dénoncé les abus du système, et les lettres de cachet furent l'un des sujets de prédilection des adversaires de la monarchie. Pourtant, assez rarement usitées en matière politique — sauf lorsque les querelles parlementaires atteignirent leur paroxysme —, elles furent presque toujours envoyées à la demande même des familles. La lettre de cachet doit, dès lors, être plutôt considérée comme un privilège pénal qui s'ajoute à la liste des privilèges de noblesse : elle permet au gentilhomme délinquant d'échapper à l'infamie des prisons ordinaires et même à la rigueur du droit commun.
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Écrit par
- Frédéric BLUCHE : diplômé de l'École pratique des hautes études, assistant à l'université de Paris-II
Classification
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