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LETTRISME

Le nom de « lettrisme » et le qualificatif « lettriste » s'appliquent initialement à la versification alphabétique ou « poésie à lettres » conçue selon les dires de leur auteur Isidore Isou, dès 1942, et destinée à privilégier la valeur sonore du matériau poétique au détriment de la signification des mots. Cette appellation est toutefois restrictive car la poésie lettrique est dès l'origine soutenue par un système de pensée général qui concerne toutes les branches de la culture (selon la kladologie ou « science des branches », du grec klados, « branche ») et de la vie. De plus, l'adjectif lettriste qualifie un groupe multiforme aux activités pluridisciplinaires qui prolonge et explore sur plusieurs générations les découvertes et les propositions de son initiateur.

Naissance du mouvement

En août 1945, Jean Isidore Isou Goldstein, né à Botosani (Roumanie), arrive à Paris. Le lettrisme y est présenté à la salle des Sociétés savantes, en janvier 1946. Pour introduire à cette versification inédite – « Coumquel cozossoro BINIMINIVA / BINIMINIVA / Coumquel quergl coumquelcanne ! / MAGAVAMBAVA ! » (Lances rompues pour la dame gothique, 1946) – l'invitation stipule : « Nouvelle poésie - Nouvelle musique - Art nouveau ». En novembre de la même année, Isou lit son Manifeste sur la peinture à la salle de la Société de géographie.

En 1947, la publication aux éditions Gallimard de « Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique » et « Agrégation d'un Nom et d'un Messie » confirme que l'avènement de la poésie à lettres s'inscrit dans un projet d'analyse et d'amélioration de l'existence en général, et des arts en particulier. L'ensemble des disciplines artistiques doit être révolutionné. Isou fait une incursion dans le roman en 1950, dans le cinéma en 1951, le théâtre et la danse en 1953, l'architecture en 1968... En 1992, il propose de travailler dans l'extension infinie. Tous les domaines – art, philosophie, science, technique, théologie...– doivent être rénovés, c'est-à-dire relayés par les apports isouiens.

La loi de l'amplique et du ciselant sert de fil conducteur au renouvellement systématique des arts. Selon Isou, chaque discipline est soumise à ces phases successives. Le premier moment d'épanouissement et de construction – l'amplique – est suivi par un mouvement de repli, d'intériorisation et d'émiettement – le ciselant. Ainsi, la peinture, d'abord, tournée vers la mise en place d'ensembles figuratifs, est morcelée par la touche impressionniste qui la conduit au ciselant, c'est-à-dire, selon Isou, au seul approfondissement de ses composants de base – couleurs, traits, touches.... – hors de tout intérêt pour le sujet ou l'élargissement des règles générales de la composition. À partir de Baudelaire, la poésie refuse elle aussi de s'intéresser à l'épanouissement du sujet, qui lui est devenu extérieur, pour travailler sur ses constituants, donc se replier sur elle-même, par exemple à travers le jeu des lettres et du blanc sur la page, chez Mallarmé, ou la découverte de la lettre, du souffle, et de divers flux corporels comme matériaux à part entière de la poésie isouienne. Ce deuxième moment est suivi par un nouvel amplique. Alors, le matériel des lettres s'élargit aux signes existants ou inventés, qu'ils soient lexiques, phonétiques ou idéographiques. Ces graphies pouvant provenir de modes de communication ayant traversé les temps, leur soumission au roman (cf. les planches de Les Journaux des dieux, 1950) ou à l'art plastique (Les Nombres, 1952) compose le domaine de l'« hypergraphie » ou super-écriture.

Le groupe lettriste se constitue dès 1945 autour d'Isou. Gabriel Pomerand – (1926-1972) – sera son premier et[...]

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Écrit par

  • : enseignante à l'université de Paris-VII et à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, écrivaine

Classification

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