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LÉVI ALPHONSE LOUIS CONSTANT dit ÉLIPHAS (1810-1875)

Fils d'un cordonnier parisien, Alphonse-Louis Constant entra au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, qu'il quitta en 1836 après avoir été ordonné diacre. Les idées utopistes et humanitaires du temps l'absorbent alors tout entier : il se lie d'amitié en 1838 avec la socialiste Flora Tristan ; collabore avec Alphonse Esquiros à une revue qui révèle au public ses dons de dessinateur. Songeant encore parfois à accéder à la prêtrise, il y renonce définitivement à la suite d'un séjour, en 1839-1840, à l'abbaye de Solesmes où il a lu les gnostiques et Mme Guyon. Surveillant au collège de Juilly, où ses supérieurs le maltraitent, il compose, au grand scandale du clergé et des bien-pensants, La Bible de la liberté (1841), qui lui vaut d'être condamné la même année comme révolutionnaire et disciple de Lamennais (la prison dans laquelle il purge sa peine huit mois durant abrite aussi celui-ci) ; il y lit Swedenborg. En 1843, il illustre des livres d'Alexandre Dumas et raconte, dans La Mère de Dieu, les misères de sa jeunesse. Mais c'est dans Le Livre des larmes (1845) qu'il développe pour la première fois des notions ésotérisantes. On le condamne encore à six mois de prison pour La Voix de la famine (1847), dont il ne fut pourtant pas le véritable auteur ; puis, la révolution de 1848 lui donnant plus de liberté, il commence à diriger une revue et un club.

En 1851, il collabore au Dictionnaire de littérature chrétienne de l'abbé Migne, et rencontre sans doute Hoëné Wronski, dont l'œuvre fait sur lui une impression durable et l'oriente vers le messianisme napoléonien et la pensée mathématique. Il prend alors le nom d'Eliphas Lévi, se rend à Londres en 1854, y rencontre sir E. Bulwer-Lytton, évoque avec lui des esprits, dont celui d'Apollonius de Tyane, qui leur serait apparu tangiblement. Revenu en France, il achève son ouvrage intitulé Dogme et rituel de haute-magie qui paraît de 1854 à 1856, sous la signature d'E. Lévi. Alors commence le succès, mais non la fortune. En 1859, l'Histoire de la magie le consacre en attirant à lui la plupart des ésotérisants français (notamment Henri Delaage, Paul Auguez, Jean-Marie Ragon, Desbarolles, Henri Favre, Pierre Christian, Fernand Rozier, qui sera le jalon historique entre E. Lévi et Papus). E. Lévi publie en 1861 La Clef des grands mystères ; il retourne à Londres passer quelques mois auprès de Bulwer-Lytton. La maçonnerie du Grand-Orient l'admet dans son sein, mais le zèle du mage, qui prétend dèjà tout savoir sur elle, ne dure guère. Sa correspondance de neuf années avec le baron italien Nicolas Joseph Spedalieri nous livre de précieuses indications sur son évolution. Il publie Fables et symboles (1862), ouvrage consacré au symbolisme de Pythagore, des Évangiles apocryphes et du Talmud, et La Science des esprits (1865), très critiquée à l'époque. Il travaille en même temps à un ouvrage superbe, mais d'une valeur historique contestable, Le Livre des splendeurs, qui traite surtout de la Kabbale du Zohar et qui ne paraîtra qu'après sa mort. Judith Gautier, fille de Théophile et épouse de Catulle-Mendès, se met à son école, tandis que son mari lui fait rencontrer Victor Hugo et le met peut-être en rapport avec Stanislas de Guaïta, qui plus tard lira les œuvres du « mage » et se fera le propagateur infatigable et autorisé de sa doctrine.

Par sa seule période « révolutionnaire », Eliphas Lévi serait passé à la postérité, même si sa vie s'était arrêtée en 1848. Mais sa célébrité tient surtout à la seconde période de son existence, celle qui va de 1854 à 1875. Lévi a d'abord le mérite d'avoir rappelé, et pratiquement codifié pour quelque temps, la vision théosophique du monde, c'est-à-dire une métaphysique fondée sur la doctrine analogique des correspondances, au sens baudelairien (1857) et traditionnel[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III

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Autres références

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