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BALTZ LEWIS (1945-2014)

Né en 1945 à Newport Beach en Californie, Lewis Baltz grandit après guerre au cœur d'une vaste région qu'il voit se couvrir à vue d'œil de zones pavillonnaires et d'immenses complexes industriels. Ce contexte particulier explique en partie l'œuvre de cet artiste visionnaire qui fut l'un des premiers à inscrire la photographie dans une perspective conceptuelle et à proposer de nouvelles formes d'expositions, pour traduire au mieux l'homogénéisation du monde occidental.

Dès 1967, avec Prototype Works, il dresse le relevé froid et objectif des éléments significatifs, selon lui, du nouveau style de vie américain : automobile, bungalow, chambre de motel... Ce sont ensuite vingt-cinq maisons en chantier qu'il répertorie dans Tract Houses (1969-1971), avec une esthétique à la fois minimaliste et conceptuelle qui souligne l'uniformité de ces pavillons préfabriqués destinés aux classes moyennes – une série remarquée par le galeriste Leo Castelli qui l'expose en 1971 à New York sous la forme d'un bloc d'images quadrillant le mur. Mais c'est l'exposition New Topographics : Photographs of a Man-Altered Environment présentée en 1975 par la George Eastman House (Rochester) qui contribue à faire connaître ce travail austère alors incompris des milieux photographiques traditionnels. Baltz y montre sa série The New Industrial Parks near Irvine, California (1974-1975) au côté des typologies industrielles des Allemands Bernd et Hilla Becher ou des paysages américains de son compatriote Robert Adams. Toujours avec la même « précision scientifique » et la même volonté de livrer un ensemble « d'informations stériles et dépourvues du moindre contenu émotionnel », Baltz se consacre ensuite aux architectures d'usines et de bureaux des nouvelles zones industrielles. Proches de l'abstraction, ses photographies en noir et blanc captent alors les façades opaques et les parkings calibrés de ces lieux vides de toute présence humaine. Dans Maryland (1976), Nevada (1977), Park City (1978-1981), San Quentin Point (1981-1983), Candlestick Point (1984-1988)..., le photographe continue de dresser le portrait désenchanté de l'Amérique, relevant les détails annonciateurs du chaos dans ces paysages désolés où la nature tente de reprendre ses droits entre les tas d'ordures, les amas de clous rouillés et les dépotoirs de pneus. Avec The Deaths of Newport (1988), il revient sur un ancien fait-divers, et réalisera un CD-ROM en 1995.

Son installation en Europe à la fin des années 1980 s'accompagne d'une rupture formelle. Présentées en cibachromes de grands formats dans des caissons lumineux, ses images en couleurs prises la nuit dans plusieurs villes européennes préfigurent l'intérêt que Baltz porte dorénavant aux technologies. Dans La Trilogie du pouvoir (1992-1995) – Ronde de Nuit, Corps dociles et Politique des bactéries –, il s'intéresse successivement au pouvoir social, médical et politique exercé sur l'homme par l'omniprésence des caméras de surveillance, des scanners et autres images digitales. Exposée en douze panneaux de 1 m × 2 m, Ronde de nuit (1992) associe des images de taille, de définition et de registre différents, issues notamment de vidéos de surveillance de sites industriels. Un montage qui demande au spectateur de trouver sans cesse la juste distance pour percevoir l'œuvre, de telle sorte qu'il finit, selon Baltz, par « être manipulé par la pièce elle-même. On ne sait plus qui est surveillé et qui surveille ». Exposés et publiés en Europe, en Amérique et au Japon, les travaux de Lewis Baltz témoignent de la cohérence entre fond et forme de cette œuvre métaphorique qui préfigure de façon troublante la crise sécuritaire actuelle du monde globalisé et qui rejoint les nombreux enjeux de la photographie contemporaine.[...]

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