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GENCER LEYLA (1928-2008)

Peut-on croiser impunément l'incandescente trajectoire de Maria Callas et côtoyer sans dommage la parfaite épure musicale dessinée par Renata Tebaldi ? La carrière de la soprano turque Leyla Gencer apporte une réponse négative à ces questions. « La Regina » avait la même personnalité explosive et le même caractère ombrageux que sa rivale grecque. Mais cette « orientale musulmane », comme elle aimait à se définir, a toujours su protéger jalousement une vie privée qu'elle refusait de jeter en pâture à la presse. Et, malgré les fêlures d'une voix sollicitée à outrance, la « Diva turque » a mené sur les planches une très brillante carrière. Scandaleusement ignorées par les grandes maisons de disque, les prestations de celle que l'on a aussi surnommée « la reine des pirates » ne nous parviennent que grâce à des enregistrements de radios ou des prises sur le vif qui, effectuées dans des conditions parfois sommaires, ne rendent pas justice à l'un des plus évidents tempéraments dramatiques de sa génération.

Ayşe Leyla Çeyrekgil naît à Istanbul (Turquie), le 10 octobre 1928 (il n'est pas impossible qu'il s'agisse en fait de 1924), d'une mère polonaise et d'un père turc. Elle commence ses études musicales au Conservatoire de sa ville natale avant de venir à Ankara prendre des leçons privées avec la célèbre soprano italienne Giannina Arangi-Lombardi ; à la mort de cette dernière, en 1951, elle poursuivra sa formation avec le baryton Apollo Granforte. En 1946, elle a épousé le banquier Ibrahim Gencer ; c'est sous ce nom que commence sa carrière. Elle chante d'abord dans le chœur de l'Opéra d'État turc (Devlet Opera), avant de faire ses débuts à Ankara sous les traits de Santuzza (Cavalleria rusticana de Mascagni). C'est dans le même rôle que cette comédienne à l'instinct déjà très sûr fait des débuts remarqués, en plein air, à Naples, en 1953. Le San Carlo lui offre rapidement Madama Butterfly (Puccini) puis Tatiana (Eugène Onéguine de Tchaïkovski). Pendant plus de vingt ans elle restera fidèle à la grande scène napolitaine. Après avoir incarné Tosca (Puccini) à l'Opéra de Munich, elle fait sa première apparition outre-Atlantique en 1956, à l'Opéra de San Francisco – qui la réinvitera pour les deux saisons suivantes – dans le rôle-titre de Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai. La Scala de Milan, qui l'accueille le 26 janvier 1957 pour la création mondiale des Dialogues des carmélites de Poulenc, dans le rôle de Madame Lidoine (la Nouvelle Prieure), deviendra pour Leyla Gencer un véritable port d'attache. Entre 1957 et 1983, elle n'y interprétera pas moins de 19 rôles différents – d'abord dans le cadre de secondes distributions, les premières étant monopolisées par Maria Callas, puis en vedette incontestée –, qui montrent tout l'éventail de ses curiosités : Verdi est en bonne place avec Leonora de La Forza del destino (1957, 1961, 1965), Elisabetta di Valois de Don Carlo (1961, 1963, 1964, 1970), Aïda (1963, 1966) et Lady Macbeth (1964), mais aussi Monteverdi (Ottavia dans L'Incoronazione di Poppea, 1967), Bellini (Norma, 1965) et Gluck (Alceste, 1972). Elle y participe, le 1er mars 1958, à une autre création, celle de Assassinio nella cattedrale de Ildebrando Pizzetti. La mozartienne accomplie est appelée par le Covent Garden de Londres et le festival de Glyndebourne. Elle s'investit avec autant de rigueur que de passion dans la résurrection d'œuvres oubliées ou méconnues signées Luigi Cherubini (Medea), Gaspare Spontini (La Vestale, Agnes von Hohenstaufen), Simon Mayr (Medea in Corinto), Rossini (Elisabetta, regina d'Inghilterra) ou Giovanni Pacini (Saffo) et dans la défense de pages contemporaines écrites par Serge Prokofiev (L'Ange de feu, Renata), Benjamin[...]

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