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LI BO[LI PO](701 env.-env. 762)

Le génie de Li Bo

Après la mort de Li Bo, deux de ses amis, Wei Hao et Li Yangbing, publièrent séparément les poèmes qu'il leur avait confiés, ou qu'ils avaient pu recueillir, en deux collections aujourd'hui perdues, mais dont dérivent les éditions ultérieures. Les œuvres complètes de Li Bo comptent un millier de poèmes, dont près des trois quarts sont écrits en vers pentasyllabiques, et le reste en vers heptasyllabiques ou irréguliers. L'histoire littéraire estime que Li Bo a poursuivi et parachevé l'œuvre d'un poète du début des Tang, Chen Zi'ang (661-702), en condamnant le formalisme et la préciosité des Six Dynasties, et en imitant des maîtres plus anciens, chez qui « la culture et la nature s'équilibrent » (formule célèbre du Lun yu). Sans se dérober tout à fait à l'influence des artistes des Dynasties du Sud, il est vrai que l'œuvre de Li Bo rappelle surtout les poètes des Han et des Wei. Bien que l'écrivain semble à l'aise dans tous les genres poétiques, il évite les formes les plus artificielles de la nouvelle poésie régulière : sur une vingtaine de huitains heptasyllabiques que compte son œuvre, il n'en est que deux ou trois qui observent toutes les règles du genre. Par contre, Li Bo éprouve une prédilection pour les chansons anciennes du genre yuefu. Il en reprend et en adapte les thèmes avec une habileté égale à celle des poètes de l'époque Jian'an (196-220) : ses imitations sont à la fois originales et fidèles à l'esprit de l'antique Bureau de la musique (cf., par exemple, la Ballade de Yuzhang).

Une ancienne querelle oppose les admirateurs de Li Bo à ceux de Du Fu, en un débat sans doute plus fondamental que le parallèle entre Corneille et Racine ou entre Goethe et Schiller. Par la diversité de son inspiration, que certains attribuent à l'expérience d'un homme qui aurait tout vu et tout essayé, Li Bo l'emporte sur son rival. Il surclasse aussi par son aisance et son naturel un Du Fu laborieux, dont il a raillé malicieusement les affres poétiques. Li Bo, quant à lui, écrit sans effort, en se jouant des difficultés de la prosodie. On insiste volontiers sur son optimisme, sur la vertu tonique de son enthousiasme. La mélancolie de la séparation ou de l'impermanence ne tourne pas chez lui au désespoir. Dans certains poèmes d'adieu, tandis que disparaît à l'horizon la voile qui emporte l'ami, le chagrin semble s'effacer dans la fusion grandiose du ciel et des eaux. Ce n'est pas tant l'oubli que Li Bo demande au vin ou à la nature qu'une plénitude de joie. Il a l'ivresse triomphante et non pas morose ; il préfère à la douceur bucolique d'une retraite campagnarde la sauvagerie des montagnes, dont la splendeur lui inspire de fantastiques descriptions (Dure est la route de Shu). En toutes choses, Li Bo semble attiré par la grandeur, qui appelle son imagination à de fougueux envols.

Ces qualités ont permis à la critique de comparer Li Bo à nos romantiques. Elles expliquent aussi le succès hors de Chine d'un écrivain en qui le lecteur occidental croit reconnaître les traits familiers de son poète idéal. Elles ne devraient pas masquer d'autres mérites, tels que la grâce et l'humour (Libation solitaire au clair de lune). Selon le mot d'un critique japonais, il subsiste, entre le regard du poète et son objet, un peu de jeu, un peu de marge. Cet « immortel en exil » ne se prend point trop au sérieux. L'angoisse de la vieillesse, le déchirement des adieux se dissimulent spontanément dans un sourire, dans une pirouette.

Entre l'effusion et la réserve, d'autres réussites encore parviennent à l'harmonie : dans le cadre étroit du quatrain, dit « vers-brisés » (jueju), où le poète excelle, se dévoilent parfois, comme en point d'orgue, la paix[...]

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  • CAODAÏSME

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    La religion caodaïste fut fondée en 1919 par Ngô Van Chiêu, délégué administratif pour l'île de Phu Quôc, dans le golfe de Siam. Adepte du taoïsme, il évoquait les Esprits supérieurs par le truchement de jeunes médiums. Il fut ainsi mis en rapport avec Cao Daï (« Palais suprême »),...