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LI CHENG[LI TCH'ENG]ET FAN KUAN[FAN K'OUAN](Xe-XIe s.)

L'étude de Li Cheng, cette grande ombre insaisissable qui domine l'âge d'or du paysage chinois classique, est pour les historiens de la peinture chinoise la source des plus vives frustrations. Les auteurs anciens attestent unanimement de l'importance de son œuvre qui, avec celle de Guan Tong et de Fan Kuan, ouvrit la voie du paysage Song en lui donnant d'emblée sa plus haute et plus puissante expression. Mais cet artiste, en qui la critique Song voyait « le plus grand paysagiste de tous les temps », élude presque invinciblement l'analyse : il ne subsiste plus aujourd'hui une seule œuvre qui puisse lui être attribuée directement, et les sources littéraires, prodigues de louanges abstraites, se montrent incapables de fournir des indications tant soit peu précises sur la nature spécifique de ses créations.

Quant à Fan Kuan, qui a vraisemblablement subi l'influence des deux grands pionniers du paysage, Jing Hao et Li Cheng, il est difficile de déterminer ce que son art leur doit puisqu'il ne reste de ces deux maîtres que des œuvres d'attribution discutable.

Incertitudes biographiques

À l'instar de son œuvre, la vie de Li Cheng reste entourée d'obscurité. Sa chronologie est incertaine : une source permet de déduire qu'il serait né en 918 et mort en 967, mais, selon d'autres, il faudrait décaler ces dates de quelque deux décennies. Sa famille était originaire de Chang'an mais pour échapper aux troubles qui accompagnèrent la chute des Tang elle s'installa au Shandong. Comme Jing Hao, Guan Tong et Fan Kuan, Li Cheng est un homme du Nord : la conception classique du paysage entre le xe et le début du xiie siècle est dans une large part liée à un certain milieu naturel sévère et grandiose. Li Cheng reçut une excellente formation littéraire ; descendant de la famille impériale des Tang, son sort fut celui d'un aristocrate déchu qui cherche refuge dans la hautaine solitude de l'art et l'évasion individualiste de la poésie et du vin. Une source fait état de son entrée dans la course aux honneurs mandarinaux, avec l'obtention du titre de licencié vers le milieu de l'ère Kaibao (968-976), mais cela semble tout à la fois anachronique et peu en harmonie avec ce que l'on peut entrevoir de sa personnalité. Il aurait, en certaine occasion, refusé avec hauteur les offres généreuses d'un mécène, estimant que la création picturale ne saurait se cultiver que dans l'indépendance, en réponse à une exigence intérieure. On lui attribue une passion immodérée pour le vin ; il serait mort à l'âge de quarante-neuf ans, dans une auberge, des suites d'une ivresse. Ces divers traits – indépendance farouche à l'égard des prestiges de l'argent, inspiration soutenue par l'ivresse – sont en fait des stéréotypes formels que l'on retrouve dans d'innombrables biographies de peintres lettrés : leur valeur relève plutôt d'un ordre rituel et symbolique et ne recouvre pas nécessairement une réalité historique.

Les historiens traditionnels prétendent que Li Cheng fut l'élève de Guan Tong et le maître de Fan Kuan. Cette tradition peut tout au plus suggérer une séquence chronologique dans l'activité des trois artistes qui participèrent d'un courant commun, sans nécessairement impliquer des relations personnelles et directes.

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

Classification

Autres références

  • GUO XI [KOUO HI] (1020 env.-env. 1100)

    • Écrit par
    • 1 340 mots
    La dette de Guo Xi envers ses grands devanciers, Li Cheng et Fan Kuan (dont la majesté statique et l'objectivité impassible correspondent véritablement à un classicisme), est évidemment considérable. Si l'on en croit les sources littéraires, c'est l'influence de Li Cheng qui dut surtout primer (l'importance...