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LI CHENG[LI TCH'ENG]ET FAN KUAN[FAN K'OUAN](Xe-XIe s.)

Quelques notations de la critique ancienne

Des seules notes des critiques et des connaisseurs, il est difficile de déduire une physionomie cohérente ou précise de la peinture de Li Cheng. Exclusivement paysagiste, il passe pour avoir affectionné les thèmes de neige et de forêts hivernales. Sa conception de l'espace aurait été essentiellement de ce type pingyuan, « distance en plan », relativement peu fréquent en peinture chinoise et qui adopte un point de vue placé au niveau du sujet ; cela donne une ligne d'horizon basse si l'artiste décrit un paysage de plaine ou de collines et, quand il dépeint de hautes montagnes, transforme celles-ci en un écran surplombant et se convertit alors en un espace de type gaoyuan, « distance en hauteur ». Ce dernier type de représentation fut, on le sait, constamment utilisé par Fan Kuan dont le nom est associé à celui de Li Cheng soit comme disciple, soit comme contemporain. L'œuvre de Fan Kuan peut donc utilement intervenir ici pour regrouper et illustrer les indications purement littéraires que l'on possède sur celle de Li Cheng. Un passage du célèbre lettré et savant Shen Gua (1030-1093) critiquant Li Cheng pourrait également s'appliquer aux paysages de Fan Kuan : Shen Gua prend pour critère de jugement la conception spatiale du paysage développée durant le xie siècle, dans laquelle le peintre, au lieu de se limiter à un seul point de vue fixe au niveau du sol, utilise dans une même peinture une multiplicité de points de vue, ce qui lui permet de dominer son sujet et de le décrire tour à tour de face et à vol d'oiseau ; au nom de cette perspective cavalière idéale (qui paraît un progrès pour Shen Gua), la perspective optique réaliste utilisée par Li Cheng fait figure d'archaïsme limitatif : le regard du peintre se laisse arrêter par la barrière infranchissable de la montagne ; au lieu que le spectateur domine le spectacle, c'est le spectacle qui domine le spectateur. De ce point de vue, l'attribution à Li Cheng de la fameuse peinture Temple dans la montagne (W. R. Nelson Gallery of Art, Kansas City), bien qu'erronée, n'est pas dépourvue de sens : bien entendu dans cette peinture un certain creusement de l'espace, le jeu plus complexe des fonds et de façon générale le métier du pinceau sont certainement ultérieurs d'un siècle à l'art de Li Cheng, mais ce paysage n'en a pas moins conservé cette conception de la montagne interprétée comme un majestueux écran contemplé d'en bas, qui était en tout cas caractéristique de Fan Kuan. L'analogie avec Fan Kuan ne doit cependant pas être poussée trop loin ; l'un et l'autre participaient certes des mêmes courants, mais chacun avait son tempérament propre, et l'on ne peut arbitrairement prêter à Li l'âpre et sévère grandeur qui n'était peut-être propre qu'au seul Fan. À cet égard, le peintre et théoricien Han Zhuo (début du xiie s.) les oppose précisément l'un à l'autre en deux mots concis mais éloquents, qualifiant Fan d'« héroïque » (wu), et Li d'« amène » (wen). Mais Han Zhuo avait-il une connaissance directe de la peinture de Li Cheng, et dans quelle mesure sa définition ne sacrifie-t-elle pas au goût chinois des antithèses formelles ?

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

Classification

Autres références

  • GUO XI [KOUO HI] (1020 env.-env. 1100)

    • Écrit par
    • 1 340 mots
    La dette de Guo Xi envers ses grands devanciers, Li Cheng et Fan Kuan (dont la majesté statique et l'objectivité impassible correspondent véritablement à un classicisme), est évidemment considérable. Si l'on en croit les sources littéraires, c'est l'influence de Li Cheng qui dut surtout primer (l'importance...