LIANG KAI[LEANG K'AI]ET MUQI [MOU-K'I](XIIe-XIIIe s.)
L'équivoque de la « peinture gestuelle »
L'éblouissante audace plastique de cette écriture instantanée qui ne souffre ni arrêt ni repentir, la course du pinceau en transe dont le mouvement est si foudroyant qu'il semble devancer tout contrôle conscient ont incité des observateurs superficiels à faire des rapprochements avec certaines écoles occidentales modernes, telles que l'action painting et l'expressionnisme abstrait. On ne saurait commettre pire contresens : alors que, pour les tenants de la peinture gestuelle, « peindre est d'abord quelque chose de physique », pour l'artiste Chan, au contraire, la peinture (comme l'était déjà l'agir parfait des taoïstes) est essentiellement une opération de la conscience, conscience dont le pinceau apparemment libre n'est plus en fait que le prolongement totalement docile et hypersensible. Ainsi les explosions de l'encre et les accidents du graphisme se trouvent régis par la plus lucide des nécessités : les Six Kakis, jetés en une douzaine de coups de pinceaux et deux tons d'encre sur la page blanche, ne s'agencent pas les uns par rapport aux autres selon l'ordonnancement imprévu et variable d'objets disposés dans l'espace, mais surgissent simultanément du vide suivant l'ordre préconçu, global et définitif d'une vision mentale qui échappe dans son abstraction aux hasards de la matière et du temps.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre RYCKMANS
:
reader , Department of Chinese, Australian National University
Classification
Autres références
-
CHINOISE CIVILISATION - Les arts
- Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT , Daisy LION-GOLDSCHMIDT , Michel NURIDSANY , Madeleine PAUL-DAVID , Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS , Pierre RYCKMANS et Alain THOTE
- 54 368 mots
- 37 médias
...développaient un style spontané et indépendant. Deux grands maîtres, à la fin des Song du Sud, ont exprimé les expériences spirituelles de cette secte : Liang Kai (1140-1210), qui parvint à un style abstrait et expressif, à un art de l'essentiel sans redites ni concessions ; Muqi (actif 1240-1270) dont...